Automobile : un calme trompeur

Besoin de souffler un peu ou calme précédant la tempête ? Du strict point de vue technologique, l'année 1995 s'inscrit dans la parfaite continuité des programmes lancés précédemment. Les grands axes de développement – dépollution, baisse des consommations, allégement – n'ayant pas changé, cette pseudo-apathie était prévisible. Elle contraste avec l'empoignade commerciale qui a opposé les États-Unis au Japon ! Accusés de fermer leur marché intérieur aux véhicules US, les Japonais ont fini par lâcher du lest, au moins en théorie. Sous l'œil goguenard et un rien hypocrite d'une Europe qui prêche le dialogue plutôt que l'épreuve de force pour résoudre de tels problèmes, le Japon a d'autant plus facilement ouvert ses frontières qu'il a déjà trouvé la parade ! Sur 250 000 voitures importées par an, un bon quart sont des fausses « US cars », fabriquées là-bas par Toyota, Honda, Mazda et consorts. Ce que le Mitsubishi Research Institute oublie totalement lorsqu'il prédit, pour 2005, des importations automobiles qui représentent 10 % du marché, soit 600 000 à 700 000 véhicules, contre seulement 5,4 % actuellement.

Baisse de tension ?

Comme les commerciaux, les hommes de marketing n'ont pas chômé en 1995. Cette année restera celle du début de production en série (petite, il est vrai) des premières voitures électriques (VE). Avec un parfait ensemble, cimenté de primes étatiques, Peugeot, Citroën et Renault lancent des 106, AX et Clio électriques, alors que tout le reste de la planète fait actuellement marche arrière. Astuce commerciale majeure, les coûteuses batteries nickel-cadmium de SAFT (60 000 F) sont vendues en leasing pour rendre le prix des « électriques » abordable. L'accueil plutôt frais de la presse, après essai, n'ébranle pourtant pas les trois constructeurs, qui comptent sur les flottes – privées ou publiques – pour acheter leurs VE. Reste que leurs performances limitées, 90 km/h en pointe et de 50 à 80 km d'autonomie, apportent de l'eau au moulin des détracteurs du véhicule électrique. Les batteries miracles se font toujours attendre, au point que la Californie, qui voulait imposer 2 % de VE en 1998 sur son territoire, ne sait plus comment sortir de ce guêpier. Devant les réalités de la physique, les lobbies verts battent en retraite, on parle actuellement de nouvelles normes NLEV moins sévères aux États-Unis. Les tenants des véhicules hybrides sont confortés dans leurs choix, la Mitsubishi HEV est à l'essai en Californie, la Suzuki Elcapa, au Japon. En Europe, Peugeot a frappé un grand coup avec une 406 hybride – moteur thermique et électricité –, Volvo a fait de même avec un camion. Pour les livraisons, le japonais Fuso teste lui aussi un camion de 2 tonnes de CU (charge utile) pour 5 tonnes de PTR (poids total roulant). Il suffit d'un moteur de 1 800 cm3, tournant à régime fixe et donc très bien dépollué, qui recharge les batteries pour obtenir une autonomie de 200 km, jugée suffisante, même pour l'agglomération de Tokyo. Pourtant, ces couplages moteur thermique-moteur électrique de traction semblent bien rustiques et primaires face à la solution hybride de Mercedes-Benz et Siemens, où l'électricité est directement fournie par une pile à combustible. Avec de l'oxygène et de l'hydrogène, le tout à haute température, Siemens maîtrise déjà cette technologie pour les sous-marins : le challenge est de passer à l'utilisation de l'oxygène de l'air à basse température avec de l'hydrogène produit à bord du véhicule à partir de méthanol.

Le concept Daïhatsu FX-21 se veut le véhicule familial (F) expérimental (X) pour le prochain siècle (21) et il regroupe nombre de technologies avancées et audacieuses. Le moteur repasse à l'arrière pour plus d'espace pour les passagers, c'est un 3 cylindres Diesel 2 temps, 990 cm3, de 35 ch à 4 000 tr/min. Installé à plat, il est accouplé à une boîte CVT, à courroie métallique et nombre infini de rapports. La commande est 100 % électrique, via des fils (by wire), depuis de simples touches installées près du volant. Celui-ci actionne la direction au moyen d'un câble, pour plus de sécurité en cas de choc. Enfin, le câblage électrique utilise un système multiplexe, la FX-21 étant bourrée de dispositifs électroniques, navigation et anticollision lidar (radar laser).

Le procédé Premair d'Engelhard est actuellement testé en Californie. C'est un catalyseur sans platine qui recouvre la surface des radiateurs de climatisation du véhicule. La faible température suffit à amorcer deux réactions chimiques très intéressantes : le CO devient CO2 (non toxique) et l'ozone O3 redevient O2, oxygène. C'est la première tentative pour « nettoyer » l'air ambiant et non plus les seuls gaz d'échappement.

Oubliés

Présentés il y a peu comme les moteurs du futur, les 2 temps essence ont totalement disparu des préoccupations des constructeurs, ils ne peuvent être aussi bien dépollués que les moteurs 4 temps classiques.

Le grand chantier

En attendant ces solutions définitives, la baisse des pollutions et des consommations se poursuit au quotidien. C'est mal parti pour les consommations ! Une nouvelle norme 15 04, donnant un chiffre unique à partir d'un nouveau test plus rigoureux, va être appliquée à partir du 1er janvier 1996. Non seulement elle va désorienter le public par l'abandon des chiffres (90 km/h-120 km/h-ville), mais le test plus réaliste (départ à froid, autoroute, etc.) va augmenter les valeurs d'environ 20 %. Dans la réalité, rien ne change, mais l'objectif « 3 litres aux 100 » mis en avant par les Allemands au Salon de Francfort va devenir bien plus difficile à atteindre ! En diesel comme en essence, on compte sur l'injection directe, le carburant étant directement pulvérisé, à très haute pression, dans la chambre de combustion. Pour la pollution, les normes applicables à l'an 2000 tardent à être connues. Alors, en les attendant, l'Europe se cale sur les normes US OBD2. Plus rigoureuses, elles aussi, elles prennent maintenant en compte la durée de vie du catalyseur : on se dirige à terme vers une Euro OBD, que le législateur adoptera sans doute. Même casse-tête pour les nouvelles normes de choc. Dans le flou, les constructeurs ayant sorti des voitures en 95 (Fiat Bravo et Brava, Opel Vectra, Peugeot 406, etc.) ont multiplié les essais, pour les chocs arrière et latéraux notamment, afin d'être à coup sûr dans la future norme. Cette « sévérisation » qui impose un renforcement des structures va à contre-courant du grand mouvement pour alléger les voitures, et moins consommer. L'expérience industrielle de l'Audi A8 « tout alu » confirme ce qu'on supposait. Les alliages légers ne sont viables que et des petites séries, les voitures sportives seront les seules à massivement passer à l'alu. Les « grandes séries » resteront en acier, plus fin et à haute résistance, sans doute soudé « bord à bord » par laser pour gagner 10 % en poids, peut-être prélaqué.

Diesel

Très décrié à cause de ses émissions de particules de carbone, le diesel reste défendu par tous les techniciens. Lui seul permettra de baisser les consommations aux alentours de 3 litres aux 100, grâce à des injections directes fonctionnant à des pressions extrêmement élevées, de l'ordre de 1 400 bars.

Rhône-Poulenc pense avoir trouvé une arme antiparticules efficace pour les diesels. Son système Eolys consiste à mélanger des sels de cérium (terres rares) au gazole. Eolys n'est pas détruit lors de la combustion, il abaisse la température (400 °C) d'inflammation des suies dans le « piège à particules ». Des essais sont en cours sur des flottes de camions.

Le retour des compresseurs

Éclipsés par les turbos, les compresseurs directement entraînés par le vilebrequin des moteurs sont de nouveau utilisés. Mazda et Mercedes (classe E « K ») les utilisent plus pour la dépollution (le moteur travaille en excès d'air) que pour l'augmentation de puissance.

Après le pneu « vert » tourisme, diminuant les consommations de 5 à 7 % grâce à une résistance au roulement abaissée de 30 %, Michelin vient de lancer un pneu « vert » poids lourd. Cette fois, sans utiliser de gommes où la silice remplace le noir de carbone, la consommation diminue de 5-6 %. Aux USA, des pneus comparables sont garantis 1 million de kilomètres par Michelin.

Rôles inversés !

De leur côté, les équipementiers « chassent les grammes » sur les composants, qui représentent maintenant 70 % du prix d'une voiture. Ils prennent de plus en plus d'importance, à tous les niveaux, et sont associés très tôt à la conception des nouveaux véhicules, en permanence au contact de l'équipe « projet plateau » du constructeur.