Économie mondiale

Sur le plan économique, l'année 1995 a amené de nombreuses déceptions. Très attendu, le retour d'une activité soutenue n'a pas été au rendez-vous. Les espoirs suscités en 1994 par le regain d'activité en Europe continentale ne se sont pas concrétisés, laissant place à une « croissance molle ». Les pays les plus industrialisés affichent un taux de croissance moyen de 2,4 % de leur PIB. Si les États-Unis ont surpris par le maintien de leur dynamisme, le Japon n'a pas encore trouvé l'issue d'une crise qui dure depuis plus de quatre ans. Dans le reste du monde, les pays émergents ont souffert des effets de la crise mexicaine du début de l'année. Seuls les pays d'Asie du Sud-Est ont continué à enregistrer des performances économiques excellentes, confirmant le rôle moteur de ce nouveau pôle de développement.

Une année qui débute sous le signe de l'instabilité

Le 20 décembre 1994, le « bon élève » mexicain fait une sérieuse rechute... 1995 commence sous le signe de l'inquiétude. Le Mexique, marié depuis peu aux États-Unis grâce à l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), sombre dans une crise financière sans précédent et se retrouve dans l'incapacité de défendre sa monnaie (3,44 pesos pour 1 dollar avant la crise, 7,44 pesos pour 1 dollar au plus fort de la crise, en mars, et 6,2 pesos pour 1 dollar à la fin 1995). Les marchés financiers, qui redoutent le pire face à l'ampleur du déficit de la balance commerciale mexicaine (18 milliards de dollars) et à l'instabilité politique résultant des émeutes dans le Chiapas, cèdent à la panique, fuyant l'économie mexicaine et, partant, celle des pays en voie de développement dans leur ensemble. Dans sa chute, le Mexique entraîne l'Amérique latine et les places financières internationales, obligeant ainsi tous les analystes à revoir à la baisse leurs prévisions de croissance pour 1995. Le plan d'austérité (réduction des dépenses publiques, augmentation de la TVA, programme de privatisations) mis en œuvre par le président Ernesto Zedillo et l'aide massive apportée par les États-Unis et le FMI (plus de 50 milliards de dollars au total) ne permettent que de limiter les dégâts pour 1995, avec une récession contenue (recul du PIB de l'ordre de 6 %). Cependant, pour les Mexicains, la pilule est plutôt amère : le PIB par tête recule de 33 % en 1995, pour s'établir à 2 800 dollars par habitant, soit le niveau équivalent à celui de 1980. Le chômage progresse de plus de 100 %, plus d'un million de personnes perdant leur emploi.

Vigueur américaine

Le choc mexicain laisse sa marque sur l'économie des États-Unis. Et ce n'est qu'à la fin de l'été 1995 que Washington finalement retrouve un minimum de sérénité. Le début de l'année est marqué par des prévisions pessimistes. Les États-Unis, dont 10 % des exportations sont destinées au Mexique, perdent l'un de leurs meilleurs clients. Conséquence logique, les exportations américaines se tassent, entraînant le premier recul trimestriel de la production industrielle depuis 1991. Le doute qui s'empare de l'économie américaine au cours des premiers mois de 1995 se répercute immédiatement sur la confiance des ménages. La consommation ralentit, obligeant les analystes à admettre que les 4,1 % de croissance enregistrés en 1994 constituaient bien le sommet de la vague. Au printemps, la croissance frôlant presque la panne sèche (1,2 % au premier trimestre), les États-Unis peuvent s'attendre à un atterrissage plus musclé que prévu de leur économie. Faisant preuve de souplesse, la Federal Reserve s'adapte au nouveau contexte, rompant durant l'été avec une politique de durcissement monétaire qui l'avait conduite à relever ses taux directeurs à sept reprises depuis février 1994. Face aux menaces de très net ralentissement, la banque assouplit sa position. Le risque d'inflation écarté, elle réduit son taux interbancaire de 6 à 5,75 %, redonnant ainsi un coup de fouet à l'économie nationale. Les résultats de cet assouplissement ne se font pas attendre : la croissance enregistre un rebond en fin d'année 1995 : au troisième trimestre, elle atteint 4,2 % en rythme annuel. Les constructions de logements neufs repartent également à la hausse, la consommation des ménages (en particulier en bien d'équipements) se montre plus dynamique, et l'investissement des entreprises dans le développement ou le renouvellement de leur outil informatique stimule l'ensemble de la chaîne économique.