Cette forte poussée dans le monde n'est plus perçue comme un abandon de la façade atlantique parce que la diplomatie américaine s'investit dans l'initiative dénommée EUROSEC (Sécurité de l'Europe) qui prend en compte le besoin de sécurité des anciens États du pacte de Varsovie. Elle réaffirme son engagement par une politique plus active et plus résolue en ex-Yougoslavie. Le 21 novembre à Dayton (Ohio), Richard Holbrooke obtient l'accord des différentes parties, qui s'engagent dans le processus de paix établi par le traité de Paris du 14 décembre. Défiée par le Congrès, qui lève l'embargo sur les armes à destination de la Fédération de Bosnie, l'administration décide de faire aboutir des consultations qui s'étaient développées discrètement depuis le début de l'année. Bien que très dosé, le recours à la force contre les Serbes de Bosnie renforce la position américaine et redonne quelque crédibilité à l'OTAN. Pour garantir la mise en œuvre du traité de Paris, l'Alliance atlantique déploie en Bosnie une force de 60 000 hommes, dont 20 000 soldats américains.

Plus discret, mais non moins important, a été l'effort pour favoriser une solution négociée entre l'IRA et le gouvernement britannique, pour la plus grande satisfaction de la communauté irlandaise américaine.

Simultanément, au Moyen-Orient, sous l'impulsion de Warren Christopher et de l'ambassadeur Dennis Ross, la diplomatie dite de la navette téléphonique finit par porter ses fruits. Les intenses pressions des États-Unis conduisent au second accord israélo-palestinien, signé à la Maison-Blanche le 28 septembre. Bill Clinton manifeste son engagement personnel pour la paix en se rendant aux funérailles du Premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, assassiné par un ultranationaliste juif le 4 novembre.

La Russie et l'OTAN

Par rapport à ces dossiers vedettes, la relation avec la Russie, bien que plus discrète qu'auparavant, continue de jouer un rôle essentiel. Par sa présence à Moscou lors du 50e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, le président Clinton maintient le dialogue malgré la guerre de Tchétchénie, qu'il considère comme une affaire intérieure. Un des objectifs de la diplomatie américaine demeure la disparition du plus grand nombre possible d'armes nucléaires russes en application des traités START 1 et 2. Ce dernier n'a toujours pas été ratifié par le Parlement russe, et le démantèlement traîne en longueur. Plusieurs autres sujets de friction subsistent, comme la vente de réacteurs nucléaires à l'Iran, et, surtout, la perspective de l'élargissement de l'OTAN, son action en Bosnie et la perspective de son élargissement. Bien que s'étant décidé à adhérer au partenariat pour la paix, la Russie a vivement protesté contre les bombardements sur les positions des Serbes de Bosnie.

L'administration américaine s'efforce, avec bien des difficultés, qui tiennent en partie à ses propres hésitations, d'adapter l'OTAN aux réalités de l'Europe de l'après guerre froide. Le partenariat pour la paix vise à familiariser les États de l'est de l'Europe, y compris la Russie et les États de la CEI, avec les procédures et les méthodes de commandement de l'Ouest. Cela pourrait préfigurer l'entrée à part entière d'un certain nombre d'entre eux dans l'organisation : les noms de la Pologne, de la Hongrie, de la République tchèque et de la Slovaquie sont régulièrement avancés. Mais la diplomatie russe s'y oppose : reprenant les vieilles formules soviétiques, elle veut voir dans l'élargissement de l'Alliance une menace contre sa sécurité.

Certains États membres (dont la France) souhaitent pour leur part voir d'abord résolues les questions de rééquilibrage entre pilier européen et pilier américain de l'Alliance. Ainsi, les Groupements de forces interarmées multinationales (GFIM, en anglais CJTF), bien qu'acquis, en principe, en janvier 1995, n'ont pas encore reçu le moindre début d'application.

Devant cette diplomatie, on ne s'étonnera pas que les critiques tonitruantes des républicains les plus ardents et les plus inexpérimentés se soient progressivement tues. Il n'est pas jusqu'à la tentative de résurrection de l'IDS (Initiative de défense stratégique) qui n'ait fait long feu. Pris entre leur discours sur la nécessité d'un budget en équilibre et leur volonté de financer ces nouveaux programmes très coûteux, accusés de provoquer bien inutilement l'anxiété ombrageuse des Russes, les républicains ont dû faire machine arrière. Alors que l'énorme budget de la Défense est entré dans une cure d'amaigrissement très progressive (encore 236 milliards de dollars pour l'année fiscale 1996), les débats stratégiques essentiels sont réglés. Sous couvert d'intérêt national on ne discute plus que de questions marginales étroitement liées à la pression des intérêts locaux. Une page est bel et bien tournée.

Chrono. : 24/01, 31/01, 4/02, 19/04, 16/05, 7/06, 12/06, 28/06, 3/10, 16/10, 8/11.

François Géré