Malgré les préventions américaines à l'égard des Nations unies, l'objectif onusien n'est pas abandonné. La diplomatie américaine entend toujours réformer l'ONU pour en faire un outil plus rationnel, financièrement mieux équilibré et finalement plus efficace. Les États-Unis, par leur retrait de Somalie en début d'année et par leur engagement en Bosnie au sein de l'OTAN, montrent clairement que les Nations unies ne sont pas pour eux un véritable instrument autonome mais un outil plus ou moins utile à la politique qu'ils définissent au cas par cas. En d'autres termes, pour servir un but défini unilatéralement il est toujours préférable de recourir à une stratégie multilatérale (par le biais des Nations unies ou, à tout le moins, d'une coalition ad hoc). La façon dont l'Iraq est tenu en bride illustre parfaitement cette situation : embargo maintenu et étroite surveillance des capacités militaires par les Nations unies, assorties, le cas échéant, du recours unilatéral à l'intimidation militaire par l'envoi de troupes américaines sur les frontières du Koweït.

Les grands dossiers diplomatiques

La Maison-Blanche poursuit une politique étrangère mondiale à dominante économique donnant la priorité au commerce international. Après avoir obtenu du Congrès, à la fin de 1994, la ratification du GATT, elle poursuit ses efforts sur des dossiers très techniques, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette orientation conduit par exemple à redéfinir les objectifs et les méthodes des services de renseignement des États-Unis. La réorganisation de la CIA est finalement confiée en mars à John Deutch, alors que l'agence est secouée par l'affaire de la « taupe » Aldrich Ames, par l'expulsion par la France de cinq ressortissants américains soupçonnés d'espionnage et par les révélations sur son soutien à la junte militaire du Guatemala.

L'exécutif américain se concentre sur les grands sujets mondiaux : conférence du Caire sur la population et le développement (5-13 sept. 1994), conférence de Pékin sur les droits des femmes (4-15 sept. 1995). Ces thèmes, très populaires aux États-Unis, sont habilement développés par Hillary Clinton, qui sait tirer le meilleur parti d'une couverture médiatique systématiquement favorable parce qu'en phase avec ce type d'idéologie à l'opposé des diatribes aigres qui opposent les leaders républicains au monde des médias et du spectacle sur la censure et l'ordre moral.

La lutte contre les risques de prolifération nucléaire continue de progresser. Le traité de non-prolifération (TNP) a été reconduit pour une période illimitée en mai et les discussions se développent en vue de la mise au point d'une convention d'arrêt total des essais nucléaires d'ici à la fin de l'année 1996 (Comprehensive test ban treaty, CTBT).

La diplomatie régionale

La diplomatie a rééquilibré ses efforts sur les différents continents. Elle renforce son emprise sur le continent américain, à travers la conférence panaméricaine qui se poursuit par une conférence « hémisphérique » touchant à la défense du continent. Fin novembre 1994, l'administration s'est fortement engagée en prenant l'initiative d'un plan de soutien de 20 milliards de dollars en faveur du Mexique. En Asie, les États-Unis font spectaculairement leur réapparition au Viêt Nam (rétablissement des relations diplomatiques le 11 juillet et ouverture d'une ambassade à Hanoi le 6 août).

Mais la principale difficulté de leur diplomatie vient certainement des relations avec la Chine. Les enjeux sont considérables, tant sur le plan géopolitique que commercial. Ombrageuse, soucieuse de sa souveraineté, la diplomatie de Pékin ne cesse de dénoncer l'hégémonisme américain et ses tentatives d'ingérence. De leur côté, les États-Unis critiquent un gouvernement qui bafoue les droits de l'homme et compromet la sécurité mondiale en exportant un peu partout des matériels sensibles, missiles ou réacteurs nucléaires. Mais des deux côtés ces démonstrations sont tempérées par la volonté de développer les échanges commerciaux : les États-Unis représentent pour les produits chinois un débouché essentiel. De leur côté, les compagnies américaines s'organisent pour pouvoir tirer parti de l'ouverture d'un énorme marché aujourd'hui en pleine croissance. S'il y a peu de chances pour que les relations politiques deviennent harmonieuses, le sens de l'intérêt mutuel bien compris prévaut.