Pour le reste, le programme nucléaire poursuit une tendance à la baisse déjà amorcée par le gouvernement Bérégovoy. D'une durée de 6 ans, la loi de programmation y consacrera 128 milliards de francs, soit un peu plus de 20 % des équipements des armées, contre 25 % jusque-là. La simulation nucléaire bénéficie d'un effort particulier avec un engagement de plus de 10 milliards de francs pour acquérir des ordinateurs et des lasers, et pour mettre en place les infrastructures nécessaires. Cet effort, lancé en 1993 avec le programme Palen (Préparation à la limitation des essais nucléaires), n'implique toutefois pas que la France renonce à des essais de type souterrain. D'ailleurs, convaincu que ces essais seront nécessaires pour la modernisation de la force de frappe, le gouvernement a pris les dispositions idoines au cas où le prochain locataire de l'Élysée souhaiterait les reprendre au début de son mandat. Il lui appartiendra également de confirmer – ou d'infirmer – la timide tendance au rapprochement avec l'OTAN.

Essais nucléaires : divergences

En prévenant que la France risquerait « d'offenser le monde entier en relançant le surarmement nucléaire », François Mitterrand a semblé certain que ses successeurs ne reprendront pas les essais nucléaires. Une analyse que ne partagent ni Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères et secrétaire général du RPR, ni François Léotard, ministre de la Défense. Tous deux estiment que, non seulement le président anticipe sur ce que fera le prochain locataire de l'Élysée, mais que, de surcroît, en l'état actuel des technologies françaises, les programmes de simulation ne sauraient se substituer à des essais en grandeur réelle. Si le gouvernement est paré à sauter l'obstacle technique – tout est prêt pour une reprise des tirs sur l'atoll de Mururoa dès le mois de juin 1995 –, reste l'obstacle diplomatique. Les États-Unis soutiennent en effet les revendications des pays du tiers-monde de voir coupler le réexamen du traité de non-prolifération, fin 1995, avec un nouveau traité sur l'interdiction totale des essais nucléaires.

Vers l'OTAN, à petits pas

Pour la première fois depuis le retrait du commandement militaire intégré de l'Alliance atlantique (mars 1966), la France a été représentée en septembre à une réunion des ministres de la Défense de l'OTAN à Séville. Qualifiée d'« informelle », cette réunion a notamment été consacrée à la question de la situation en Bosnie. Que le gouvernement ait justement choisi ce « thème » pour faire un petit pas en direction de l'Alliance ne doit rien au hasard. En effet, depuis la dissolution du pacte de Varsovie, l'OTAN a étendu son concept stratégique à la participation à des missions de paix « hors zone », c'est-à-dire dans des pays ne faisant pas partie de l'Alliance. C'est le cas de la Bosnie, où l'OTAN a mis à la disposition de l'ONU, en Adriatique et sur des bases italiennes, une flotte navale et aérienne de combat. Parallèlement, la France a renforcé ses représentations auprès des structures militaires de l'Organisation dans le souci d'assurer, selon le président de la République, une « coopération harmonieuse » entre l'Alliance et la défense européenne, notamment au sein de l'Union de l'Europe occidentale (UEO).

Si la participation de la France à la réunion de Séville ne signifie en rien un changement dans la doctrine française – officiellement, ni Matignon ni l'Élysée ne souhaitent réintégrer les structures militaires de l'OTAN –, force est de constater un assouplissement dans les réticences du président de voir Paris revenir trop rapidement dans le giron militaire de l'OTAN. En octobre 1993, F. Léotard avait manifesté le désir de participer à une réunion informelle avec ses homologues de l'OTAN, convoquée à l'initiative de l'Allemagne, mais s'était vu opposer le veto présidentiel. L'Élysée a d'ailleurs eu l'occasion de s'expliquer au sujet de la réunion de Séville : « On examine au cas par cas. Le président a donné son accord car cette réunion est l'application stricte du cadre défini pour la participation de la France (aux réunions de l'OTAN) en début d'année. » On l'aura compris, le président entend préserver son domaine réservé... tout en ménageant les susceptibilités cohabitationnistes. C'est ainsi qu'à Séville tous les chefs d'état-major étaient présents aux côtés des ministres, à l'exception d'un seul, l'amiral Jacques Lanxade. Sans doute pour éviter de conférer à cette « première » la tonalité d'un retour par trop bruyant.

Le Livre blanc de la défense nationale, la Documentation française, 1994.

Philippe Faverjon