Une défense toujours consensuelle

En France, on cultive l'exception militaire. C'est du moins la tonalité générale qui se dégage de la loi de programmation militaire. Il est vrai que les armées françaises ont su très habilement jouer de la cohabitation en convainquant le gouvernement que si des changements devaient intervenir, cela pouvait éventuellement concerner l'organisation des forces, mais non les fondements structurels des armées. Ainsi, l'armée de terre a réussi à ralentir sensiblement le mouvement à la baisse de ses effectifs, tandis que toutes les armées confondues sont parvenues à ce qu'aucun de leurs programmes majeurs – lancés bien avant la fin de la guerre froide pour la plupart d'entre eux – ne soit touché.

Les grands programmes

– Missiles balistiques M5 : 3 lots de 16 missiles destinés au SNLE.

Coût du programme : non disponible.

– Simulation nucléaire : acquisition des matériels de simulation.

Coût du programme : 10 milliards.

– Sous-marins nucléaires lanceurs d'engins : 2 SNLE livrés en 1996 et 1999.

Coût du programme : 80 milliards.

– Avion de combat Rafale : maintien de la version marine. Le premier escadron de l'armée de l'air (20 appareils) opérationnel à la mi-2002 au lieu de la mi-2001.

Coût du programme : 200 milliards.

– Char Leclerc : une quarantaine d'exemplaires par an au lieu d'une soixantaine prévue.

Coût du programme : 40 milliards.

– Hélicoptère de combat Tigre : première livraison repoussée à 2001 au lieu de 1999.

Coût du programme : 80 milliards.

– Hélicoptère de transport NH-90 : maintenu, mais son coût devra être abaissé de 20 à 30 %.

Coût du programme actuel : 9 milliards.

– Porte-avions Charles-de-Gaulle : mise en service inchangée (1999).

Coût du programme : 17 milliards.

– Satellite d'observation Hélios : lancement début 1995.

Coût du programme : 7 milliards.

L'exception militaire française

La France serait-elle le dernier pays occidental à traduire en termes budgétaires la disparition de l'Union soviétique ? Alors que tous les États occidentaux dotés de budgets militaires conséquents ont revu à la baisse leur effort de défense, le Conseil des ministres a adopté en avril le projet de loi de programmation militaire – à contre-courant de la rigueur budgétaire – prévoyant une hausse des crédits consacrés à l'équipement des armées entre 1995 et 2000. Au moment où la loi quinquennale de maîtrise des dépenses publiques annonçait une baisse de crédits étatiques de 0,5 % par an, les dépenses annuelles de la Défense augmenteront à un rythme annuel de 0,5 %. Cette progression annuelle pourrait être portée à 1,5 % « si la situation économique le permet, à partir de 1997, à l'occasion de la révision de la loi », selon le porte-parole du gouvernement, Nicolas Sarkozy. Sur la base de 100,4 milliards de francs en 1994, 613,1 milliards de francs (valeur 1994) devraient être consacrés à l'équipement des armées pendant les 6 prochaines années (619,3 milliards dans l'hypothèse du passage à 1,5 %).

Avec cette enveloppe, le gouvernement s'est donc engagé à maintenir tous les grands programmes d'armement déjà lancés. De leur côté, les états-majors avaient initialement estimé que leur maintien supposait une progression des dépenses de 3 % par an. L'optimisme du gouvernement s'explique par les gains de productivité qu'il entend imposer aux industriels, mais aussi grâce aux mécanismes habituels d'étalement dans le temps des livraisons, de réduction des commandes et des spécifications techniques des matériels. Ainsi, la mise en service du futur missile balistique M5 destiné aux sous-marins de la Force océanique stratégique (FOST) sera retardée de 2000 à 2005. La livraison du premier escadron de 20 avions Rafale à l'armée de l'air, en 2001, est repoussée à la mi-2002. Quant aux dotations annuelles de chars Leclerc, elles se feront en hypothèse basse (44 exemplaires par an). Enfin, le futur hélicoptère de transport NH90 (réalisé avec l'Allemagne, les Pays-Bas et l'Italie) verra ses spécifications révisées, de façon à parvenir à une baisse de 20 à 30 % de son coût. L'objectif est donc de préserver les fabrications en cours sans charger la barque avec des programmes nouveaux. Des décisions ont ainsi été différées, comme la construction d'un second porte-avions nucléaire ou le développement d'un avion de transport futur (ATF). Le seul programme nouveau, déjà bien avancé au niveau des études, concerne l'acquisition d'un missile de croisière, une sorte de Tomahawk à la française, capable d'être tiré à des distances comprises entre 500 et 1 000 km avec une précision de l'ordre de 1 m sur la cible.