L'année a commencé avec l'affaire du CIP, le contrat d'insertion professionnelle. Pour lutter contre le chômage des jeunes, le gouvernement avait autorisé leur embauche en dessous du smic (– 20 %). La mesure a soulevé un tollé parmi la jeunesse et, de manifestation en manifestation, le gouvernement a fini par reculer, puis retirer son projet. En septembre, dans le budget 1995, Édouard Balladur a imaginé une autre mesure visant à réduire le coût du travail, en permettant aux ménages qui emploient du personnel de maison de déduire les charges sociales de leurs impôts, dans un plafond de 45 000 francs. La gauche n'a pas manqué d'observer que cette incitation profitait essentiellement à ceux qui payaient des impôts importants : « Balladur offre des bonnes aux riches ! » La mesure a toutefois été maintenue, mais elle ne commencera à s'appliquer que sur les impôts payés en 1996. Autre mesure retenue : une entreprise qui embauche un employé qui était au RMI depuis deux ans se voit attribuer l'équivalent de douze mois d'allocations RMI.

Vers la fin de l'année 1994, alors que commençait le débat électoral – mais sans candidat déclaré –, Valéry Giscard d'Estaing a proposé d'aller beaucoup plus loin. L'ancien président propose de réduire de 40 % à 20 % le poids des charges sur les bas salaires, une mesure qu'il suggère de financer par la TVA. Jacques Delors a approuvé cette proposition – sauf dans les modalités de son financement, le président de la Commission européenne préférant une taxe sur le CO2. Le débat est mûr, même si les organismes officiels (Commissariat au plan, direction de la Prévision, etc.), après avoir fait tourner leurs modèles économétriques, doutent beaucoup de l'efficacité de telles réformes.

Le « made in France » en bonne santé

Malgré la baisse des exportations agricoles due à la réforme de la politique agricole commune (– 20 % en deux ans), malgré la montée en puissance des produits importés d'Asie, le commerce extérieur français ne s'est jamais porté aussi bien depuis maintenant plus de deux ans et semble avoir trouvé un rythme de croisière, avec un excédent commercial d'environ 80 milliards de francs par an. L'explication est en partie conjoncturelle : la reprise dans les pays anglo-saxons, puis celle de l'économie allemande ont tour à tour profité aux produits d'exportation français. Mais les entreprises françaises peuvent également se féliciter d'avoir accru leur compétitivité, sans l'aide d'une dévaluation. La très faible inflation en France (moins de 2 %, contre plus de 3 % en Allemagne) permet aux exportateurs de maintenir des prix compétitifs. L'année 1995 risque cependant d'être moins favorable : la reprise de la consommation, si elle s'avère vigoureuse, ne manquera pas d'attiser les importations.

Pascal Riche
Journaliste économique à Libération