Ce mode de direction autocratique est de plus en plus critiqué. En quelques mois, l'entourage immédiat du leader palestinien s'est considérablement modifié, au fil des mises à l'écart et des montées en puissance tout aussi abruptes et arbitraires. La « vieille garde » a progressivement disparu au profit de personnalités indépendantes ou de transfuges. Président non élu d'un État encore inexistant, Arafat apparaît de plus en plus comme un « potentat oriental ». Pour la population, ces méthodes archaïques se traduisent concrètement par des arrestations abusives d'opposants, par la prolifération de services de renseignements et de forces de sécurité multiples, et par la confusion des responsabilités.

Une résistance commence à s'organiser. Mais aucun véritable changement ne peut être espéré avant les élections, seules capables de rééquilibrer les pouvoirs politiques. Reste que l'issue du scrutin est loin d'être certaine et que nul ne peut prévoir quel sera le poids des islamistes.

L'accord israélo-jordanien

Parallèlement aux pourparlers israélo-palestiniens, l'année 1994 a vu aussi le dialogue entre Israël et la Jordanie se débloquer pour aboutir à un accord.

Craignant d'être marginalisé par le processus en cours, inquiété par le différend qui l'oppose au gouvernement palestinien quant à l'avenir des relations entre les deux pays et surtout par le refus d'Arafat de coopérer économiquement avec le royaume hachémite, le monarque jordanien décide dès le mois de juin de prendre le train en marche sans plus attendre le feu vert arabe, plus précisément syrien, au nom d'une pseudo-solidarité, dont il risquerait de payer trop lourdement le prix. Un premier accord avec Israël est alors signé le 8 juin, qui met fin à l'état de belligérance entre les deux pays et prévoit une coopération bilatérale dans les domaines de l'environnement et du terrorisme, ainsi que le partage des eaux du Jourdain. Le 25 juillet, après plusieurs rencontres préliminaires entre des délégations israélienne et jordanienne, Yitzhak Rabin et le roi Hussein signent à Washington un traité posant les jalons d'une normalisation complète entre leurs pays. Courant octobre, ils parviennent à un règlement quasi exhaustif de leur contentieux, y compris de leur différend territorial. Même la question de Jérusalem est abordée, ce qui ne manque pas d'inquiéter Arafat, le statut de la ville sainte faisant l'objet d'une controverse l'opposant non seulement aux Israéliens mais aussi à la Jordanie. Le leader palestinien peut d'ailleurs redouter que cette nouvelle entente entre Amman et Tel-Aviv se fasse au détriment de sa cause, investisseurs internationaux et Palestiniens de Cisjordanie considérant avec un intérêt croissant une Jordanie prometteuse, plus attractive en tout cas qu'un mini-État palestinien asphyxié par son voisin juif. Le 26, le traité est solennellement signé à la frontière israélo-jordanienne, sous les yeux du parrain américain, en l'occurrence Bill Clinton, et en l'absence de tout représentant important de l'Europe, de plus en plus hors course dans le processus de réaménagement de la région.

Progrès sur le front israélo-syrien

À son tour, la normalisation avec la Jordanie aura un effet de catalyseur sur les négociations avec la Syrie, lesquelles marquaient le pas depuis le début de l'année.

Avec le Golan qui revient au cœur du processus, ce sont tous les problèmes restés en suspens depuis janvier qui sont réactualisés, notamment celui des 1 300 colons juifs implantés sur le plateau annexé.

Mais la dynamique de la paix semble là aussi irréversible. Israël n'hésite plus à reconnaître publiquement la souveraineté syrienne sur le Golan ; bien qu'encore figé dans un refus officiel, Damas laisse échapper de plus en plus de signes encourageants, et les États-Unis pèsent de toute leur influence pour accélérer la normalisation, comme en témoigne la visite de Clinton au président Assad fin octobre.

Chrono. : 16/01, 9/02, 25/02, 31/03, 6/04, 13/04, 4/05, 21/06, 1/07, 25/07, 29/07, 14/10, 17/10, 19/10, 27/10.