La Cisjordanie se trouve dès lors engagée à son tour, fût-ce à petits pas, sur la voie de l'autonomie, tandis que dans la bande de Gaza et à Jéricho l'armée israélienne a fini de se retirer dans le calme et que le chef de l'OLP a définitivement réintégré sa terre natale, depuis le 10 juillet, en sa nouvelle qualité de président de l'Autorité nationale provisoire.

Économie : des besoins de plus en plus pressants

Dès la signature de septembre 1993, il était clair que la mise en place de l'autonomie palestinienne nécessitait des fonds importants et que la seule organisation palestinienne ne pouvait subvenir aux besoins d'une telle entreprise. Un programme d'aide économique avait alors été établi, aux termes duquel les États intéressés par la paix au Proche-Orient s'engageaient à verser 2,3 milliards de dollars sur 5 ans.

Mais de contretemps en reports divers, les capitaux ne parviennent qu'au compte-gouttes à l'administration palestinienne, qui a pourtant des besoins accrus de liquidités pour payer, notamment, ses 6 000 soldats et policiers, ainsi que les fonctionnaires du nouveau dispositif d'autonomie qui relevaient jusque-là des finances israéliennes. Début juin, le trou budgétaire de l'administration locale se chiffre déjà à 126 millions de dollars. La situation s'aggrave de jour en jour, avec un chômage estimé à plus de 60 % de la population active. L'amertume de la population s'accroît, surtout vis-à-vis des « frères arabes », en particulier l'Arabie Saoudite, jugée bien parcimonieuse au regard de sa colossale puissance financière. Le seul exutoire pour les habitants de ces territoires privés de ressources reste le travail en Israël, avec ce que cette traversée biquotidienne de la frontière comporte de complications, voire d'humiliations, et, occasionnellement, de risques de dérapages sécuritaires. Le 17 juillet, la frontière s'embrase au point de passage d'Érez, entre Gaza et Israël, où des travailleurs palestiniens sont refoulés au cours d'affrontements qui font deux morts. Arafat a beau essayer de calmer les esprits en exhortant son peuple à la patience et au courage : si l'argent n'arrive pas, c'est tout le processus de paix qui risque de s'en trouver asphyxié.

En revanche, les relations économiques entre Israël et ses voisins arabes marquent des progrès certains, concrétisés notamment, début novembre, par un sommet réuni à Casablanca et dont la déclaration finale jette les bases d'un prochain partenariat économique entre les pays de la région.

L'épée de Damoclès de l'opposition islamiste

L'opposition à Arafat ne cesse de gagner en ampleur et en intensité au fil des jours. Elle regroupe, aux côtés des mouvements intégristes déjà puissants (5 à 7 % de la population des territoires pour le Jihad islamique, 20 % pour le Hamas), les deux mouvements prosyriens que sont les Fronts démocratique et populaire pour la libération de la Palestine (respectivement FDLP et FPLP). Ces organisations sont riches et disposent de médias bien plus développés que ceux de l'État. Et si toutes refusent également le processus engagé, aucune n'entend se laisser marginaliser lors des élections qui se préparent pour début 1995. Arafat, qui a tant de fois essayé de neutraliser ses opposants « éclairés » de tous bords en leur proposant des places dans son gouvernement mais n'a essuyé que des refus, sait bien qu'il ne peut les ignorer. Aussi essaye-t-il toutes les tactiques : la négociation, qui aboutit le 22 avril à un accord censé mettre fin à des mois d'affrontements et de règlements de compte entre les groupes armés du Fatah et ceux du Hamas ; la séduction, qui le pousse à aller prier le vendredi dans la grande mosquée du Hamas ; la répression, enfin, exercée aveuglément à l'encontre des militants intégristes, qu'il emprisonne à tour de bras.

Pour l'heure, aucune de ces méthodes ne prend : l'opposition tient toujours bon, fait feu de tout bois, ne rate pas une occasion d'enfoncer le clou à la moindre bavure et, surtout, n'hésite pas à recourir aux attentats anti-israéliens pour exprimer son refus. L'attentat du 20 octobre, par son ampleur (23 morts), conduit les autorités israéliennes à boucler les territoires palestiniens. Conspué par la droite, qui l'accuse de trahison, Rabin va jusqu'à parler de séparation totale des deux peuples, tandis que les menaces réitérées du Hamas défient toujours l'autorité d'Arafat dont toutes les tentatives pour circonscrire le terrorisme ont échoué.

Territoires autonomes : vent de menace sur la démocratie

Arafat, le chef de guerre charismatique et tranchant, a bien du mal à entrer dans la peau d'un chef d'État, rassembleur et tolérant. Dès avant son installation à Gaza, son isolement dans les prises de décision laissait perplexe son entourage. C'est le cas, notamment, pour la date de son retour dans les territoires : honorant son image de mystificateur imprévisible, le « Vieux » avait alors entamé une longue valse-hésitation avant de se rendre subitement à Gaza pour une visite de quelques jours, alors que c'était surtout à Jéricho que l'on attendait son retour. C'est aussi par surprise qu'il quittera précipitamment Tunis, le 10 juillet, pour élire définitivement domicile à l'hôtel Palestine de Jéricho, d'où il dirige désormais les affaires de l'État palestinien embryonnaire.