C'est le constat que vient de dresser la toute-puissante EPA (Agence américaine de protection de l'environnement), au grand dam du lobby du « tout électrique ». Les émissions d'oxyde d'azote des voitures électriques atteignent 1,04 g/mile, contre 1,18 g/mile pour les voitures à essence, chiffre réduit à 1,06 g/mile pour les ULEV, roulant au gaz naturel ! Même déconvenue pour ce qui est de la consommation globale d'énergie : celle-ci est de 0,49 kWh/mile pour la voiture électrique, mais de 2 kWh si l'on remonte à la centrale : un bilan désastreux face au 1,21 kWh d'un véhicule thermique.

L'hybridation, solution raisonnable

En attendant l'arrivée de la batterie miracle, les constructeurs ont jugé plus réaliste de mettre en chantier des « voitures intermédiaires ». À défaut de voitures ZEV (zéro émission vehicle), on se concentre sur les ULEV (ultra low émission vehicle), aussi peu polluantes que les ZEV dès lors que leur éco-bilan prend en compte la pollution des centrales électriques. Los Angeles redécouvre les vertus du GNV, gaz naturel carburant, deux fois moins polluant que l'essence dans un moteur classique 4 temps. Reste que le GNV, déjà utilisé par plus de un million de véhicules dans le monde, pose des problèmes de distribution, car il impose l'usage de compresseurs et des temps de recharge proches de ceux des batteries, de 6 à 8 heures. Alors on envisage plus sérieusement des véhicules hybrides, moteur thermique et électricité. Un moteur – ou, mieux, une turbine – produit du courant électrique via un alternateur : ce courant alimente le moteur de propulsion et charge les batteries. Le véhicule est lourd, mais n'a plus de souci d'autonomie, avec une faible pollution globale, nulle en ville en « tout électrique ». Tous les constructeurs se sont engouffrés dans cette direction, y compris Renault avec son utilitaire Modus, PSA travaillant sur un programme comparable de véhicule VERT. Quant à Chrysler, sa voiture de course Patriot est un régal intellectuel et une synthèse des axes de recherche : sa turbine à gaz naturel liquéfié alimente un accumulateur à inertie et un moteur électrique !

Concurrence sur l'avenir

Unanimes sur l'hypothèse « voiture hybride », les trois grands groupes de constructeurs, Europe, Japon, Amérique du Nord, restent de féroces concurrents pour tout le reste. Lancé en 1986, le programme européen Prometheus est arrivé à son terme en octobre 1994, avec la présentation de 89 prototypes de démonstration. But de Prometheus, préserver l'avenir de l'automobile en la rendant plus sûre et en fluidifiant la circulation. On a ainsi vu fleurir de nombreux dispositifs d'aide à la conduite (parfois automatiques) – vision nocturne ou dans le brouillard, suivi de lignes blanches, suivi de véhicules avec maintien de distances de sécurité, systèmes anticollision, etc. On risque de retrouver toute cette électronique de sécurité dans nos voitures d'ici 3 à 5 ans, parce que sa diffusion dépend des seuls constructeurs. À l'opposé, tout ce que ceux-ci ont pu mettre au point pour les infrastructures routières, guidage, antibouchons, balises intelligentes, etc., risque de rester dans les tiroirs. En cette période d'austérité budgétaire, les États ne semblent pas plus intéressés que Bruxelles. Pis encore, les crédits Eurêka semblent taris pour Prometheus et pour le programme Promote qui tente de lui succéder ; ce n'est pas le cas du programme Drive, chouchou des autorités européennes pour régler, sans consultation des constructeurs, les problèmes de circulation ! Désolation des chercheurs qui, certains d'être en avance, ont peur d'être rattrapés par les programmes américain IVHS et japonais VERTIS : démarrés en 1991 et 1993 ils ont été calqués sur un Prometheus dont on a su, hors d'Europe, reconnaître la valeur ! Plus inquiétant encore pour le futur des Européens, le programme USCAR (United States Council for Automotive Research), financièrement fort bien doté et qui associe les trois grands constructeurs américains (ils collaborent en fait depuis 1988 !) à certains laboratoires gouvernementaux.

Fuite en avant

Au quotidien, les constructeurs ont d'autres soucis. Affaiblis par un marché intérieur déprimé, un yen fort qui pénalise leurs exportations, les Japonais doutent. Leur credo de l'expansion permanente continue à être battu en brèche, ils rationalisent leur production et pensent à un nouveau « modèle » industriel. C'est que le « toyotisme » est désormais assimilé par l'Europe ! On sait maintenant concevoir des voitures en 3 ans, avec objectif à 2 ans, BMW se donne la « taille critique » en rachetant Rover, Fiat s'associe à PSA pour sortir en commun le mono-space U 60 et montre dans son usine de Melfi qu'on peut faire aussi bien que le Japon. Le dernier à avoir compris est le groupe VW, mais, mené de main de fer par le P-DG, Ferdinand Piech, et par le patron des achats, Ignacio Lopez, le géant allemand se reprend : 4 plates-formes au lieu de 16, qualité en hausse, délocalisation intelligente, chute des prix de revient, tous les ingrédients de la recette nipponne sont utilisés, et bien. On peut faire le même compliment aux « big three » de Détroit. Attaqués les premiers par les Japonais, ceux-ci se relèvent plus tôt et engrangent d'extraordinaires profits : 1 milliard de dollars pour Ford au 3e trimestre ! Non seulement ils ont tout compris de leurs rivaux, mais n'ont pas renoncé au « fordisme » et aux très grandes séries qui ont fait leur richesse. Ford, GM et Chrysler produisent à des prix incroyablement bas, les deux premiers ayant « mondialisé » – leurs bureaux d'étude européens ne s'occuperont plus que des petites voitures – la conception de leurs modèles. Ford produira, pour le Vieux et le Nouveau continent, son V6 Ecotec à 500 000 exemplaires/an, 800 000 à terme ; on n'avait encore jamais vu cela pour un engin à fort contenu technologique. Cette sophistication mécanique, associée à une électronique devenue hyperpuissante et omniprésente, est maintenant le lot commun de tous les véhicules du marché. On voit arriver les premiers véhicules « multiplexis », dont le faisceau électrique (jusqu'à 200 m, avec 1 500 connecteurs !) est remplacé par un « bus », un fil double d'à peine 10 m et des « stations » électroniques. Même les derniers arrivés, coréens (Kia, Asia, Sangyong, Daewoo) et malais (Proton) offrent des niveaux techniques excellents. L'Europe contre-attaque en équipant toujours plus ses véhicules : « démocratisation » des directions assistées, Air Bags, climatisations, ABS, qui descendent toujours plus en gamme ; diversification des types de voitures. Aux États-Unis comme en Europe, on voit se multiplier les monospaces (MPV outre-Atlantique) et revenir en force les « voitures plaisir », cabriolets ou coupés. Bien moins chers parce que reprenant des composants des berlines – 80 % de pièces Corsa pour le coupé Opel Tigra –, ceux-ci comblent les « niches » laissées vides par des gammes pourtant pléthoriques. Jamais l'offre n'a été aussi complète et diversifiée, chaque constructeur investissant massivement en espérant distancer des rivaux. qui pensent exactement comme lui ! Où cette fuite en avant généralisée va-t-elle mener l'automobile mondiale ?

Allègement : l'aluminium confirme

Finalement nommée A8, la grosse Audi « tout alu » pèse effectivement 250 kg de moins que le même modèle en acier. Et Audi confirme avec sa A4 : la remplaçante de l'Audi 80 est une classique voiture en acier, mais la réalisation de certaines parties (intérieur des portes, notamment) en alu a permis de gagner 45 kilos.

La direction assistée se démocratise

D'un taux moyen d'équipement de 24 % (parc de l'Europe de l'Ouest en 1986), la direction assistée devrait passer à 68 % en 1996. Les grosses cylindrées – de 2 à 2,5 litres et au-dessus – étant déjà équipées à 96 %, c'est le bas de gamme qui en profitera. Grâce à de nouvelles directions assistées, plus légères (moins 20 %, soit 1 kg) et surtout moins gourmandes en énergie par l'action heureuse des accumulateurs hydrauliques (gain de 0,2 l aux cent).

Freinage : BA mieux qu'ABS !

Après enquête accidentologique et vérifications sur simulateur de conduite, Mercedes-Benz a constaté que 90 % des conducteurs hésitaient trop avant de déclencher un freinage d'urgence et, ensuite, n'appuyaient pas assez sur la pédale, d'où un allongement de la zone de freinage pouvant aller jusqu'à 45 % à partir de 100 km/h ! L'auxiliaire de freinage (BA) corrige ce défaut. Ce dispositif électronique reconnaît le freinage d'urgence en étudiant la façon dont s'enfonce la pédale de frein : il amplifie aussitôt l'effet du servofrein. Le véhicule freine plus court, le gain est considérable sur un 100 km/h-0 km/h : de 73 m, réaction trop molle, on descend à 40 m grâce à l'action du BA.

Le transpondeur, une nouvelle arme antivol

Avec l'ouverture des frontières européennes à l'Est un important trafic de voitures volées à l'Ouest a pris naissance. L'Allemagne est passée de 20 000 à 170 000 vols en trois ans ; la France n'est pas épargnée ; même les modestes diesels sont touchés. Alertés par les compagnies d'assurances, les constructeurs ont réagi. Leur arme secrète est le transpondeur, petite puce électronique noyée dans le plastique de la clef de contact, passive (non alimentée) et interrogée par un boîtier électronique chaque fois qu'on veut faire démarrer le moteur. Si le code énoncé correspond à celui du boîtier, ce dernier débloque (verrou logiciel) l'injection du véhicule, qui peut démarrer. En cas d'absence ou de code erroné, la voiture ne peut être mise en route. Avec 1 000 milliards de combinaisons et un prix raisonnable, le transpondeur est adopté par tous les constructeurs (principaux fournisseurs : Valeo, Philips et Siemens).

Jean-Pierre Gosselin