C'est une machine-marketing qui fonctionne sans la moindre démocratie interne, ses dirigeants étant les mêmes que ceux de l'entreprise Fininvest : M. Cesare Previti, ministre de la Défense et coordinateur du parti, ancien animateur des Jeunesses fascistes, est l'avocat personnel du Premier ministre ; M. Giuliano Ferrara, porte-parole du gouvernement et ancien dirigeant de l'aile stalinienne du PCI, est un journaliste vedette de Fininvest ; M. Gianni Letta, secrétaire d'État à la présidence du Conseil, a abandonné la vice-présidence de Fininvest pour assurer ce poste. Et ainsi de suite. Le parti, le gouvernement, l'État se mélangent et se confondent avec un groupe à propriété familiale, qui n'est même pas coté en Bourse et qui est endetté de 15 milliards de francs auprès des banques nationalisées ! Par sa victoire électorale et son ascension à la présidence du Conseil, M. Berlusconi a voulu également régler le problème de son inévitable mise en examen en tant qu'entrepreneur de la première République et, comme tel, concerné par les affaires de corruption. Grand joueur, il a misé sur l'hésitation des juges à prendre une initiative à son encontre et sur le fait que le contrôle du gouvernement et de l'ensemble du système de communication audiovisuel lui aurait permis de toute façon de lancer une offensive pour discréditer les magistrats. C'est en effet à cela qu'il a consacré l'essentiel de son temps et de ses efforts durant les premiers mois de son exercice du pouvoir. S'il avait de prime abord choisi le profil bas, puisque dans son programme électoral en 45 points pas un mot n'était consacré à l'audiovisuel et que trois jours après son élection il déclarait encore : « La RAI (radiotélévision publique) ne m'intéresse pas », dès le 8 juin, le ton changeait : « Il est inadmissible qu'un service public aille à l'encontre du gouvernement ! », menaçait-il. Le 30 juin, le conseil d'administration de la RAI était démissionné et son président, un homme auquel on ne connaissait aucune sympathie politique partisane, remplacé par Laetizia Moratti, épouse d'un homme d'affaires proche de Fininvest. En deux mois, toutes les têtes de la RAI allaient tomber. Les directeurs de l'information des principales chaînes (RAI 1 et RAI 2) sont désormais des journalistes issus du groupe appartenant au Premier ministre.

D'autre part, contre l'indépendance des magistrats, qui avaient osé arrêter le propre frère de M. Berlusconi, Paolo, au mois de février, le gouvernement tentait d'abord de faire passer une loi empêchant d'incarcérer les personnes inculpées de corruption et de concussion à propos des marchés publics : face au soulèvement de l'opinion et aux menaces d'éclatement de sa majorité, il devait la retirer en moins d'une semaine. Les enquêtes des magistrats – après l'inculpation, voire l'arrestation de plusieurs autres membres de l'état-major de Fininvest – allaient finalement aboutir à l'ouverture d'une information judiciaire pour corruption à rencontre de M. Berlusconi lui-même. C'était le 22 novembre, le lendemain d'élections municipales partielles qui avaient enregistré une forte poussée des oppositions. M. Berlusconi déclara immédiatement qu'il ne démissionnerait pas, contrairement à ce qu'avaient fait depuis 2 ans tous les responsables politiques qui s'étaient trouvés dans la même situation : « Je n'ai rien à me reprocher et, de toutes façons, les Italiens ont réglé le problème en m'élisant afin que je gouverne ». Ni l'opposition, ni ses alliés les plus critiques – ceux de la Ligue du Nord – n'eurent la force de le contraindre à ce geste. Quant à l'anomalie constituée par un Premier ministre titulaire de concessions publiques – ses trois chaînes de télévision – et pouvant privilégier ses intérêts par rapport à ceux de la collectivité nationale, M. Berlusconi essaya de la résoudre en nommant une commission de trois « sages » – dont deux de ses amis. Ceux-ci lui soumirent un projet lui permettant de choisir entre la vente de ses chaînes de télévision et la désignation par lui-même d'un gérant « indépendant » à la tête du groupe. Il fit savoir aussitôt qu'il ne mettrait pas en danger l'avenir de ses enfants en choisissant la vente !