Médias

Radio

Les Français fidèles au poste

Dans un paysage médiatique en forme de montagnes russes, les radios privées et publiques affichent une étonnante santé. Selon un sondage Médiamétrie paru en avril, près de 37 millions de Français écoutent quotidiennement la radio, soit un chiffre presque équivalent au nombre de téléspectateurs. En un an, France-Inter, Europe 1, RTL, RMC, Sud-Radio gagnent 0,5 % d'audience, soit 314 000 auditeurs, et les programmes musicaux nationaux (Chérie FM, Europe 2, Fun Radio, M 40, Nostalgie, NRJ, RFM, Skyrock), 1,9 %, soit 931 000 auditeurs. Parmi les radios généralistes, RTL retrouve son capital confiance avec plus de 8,6 millions d'auditeurs chaque jour, suivie par Europe 1 et France-Inter, tandis que RMC perd plus de 300 000 auditeurs.

Parmi les radios musicales, comme on pouvait s'y attendre, l'« affaire Love in Fun » permet à Fun Radio d'effectuer un bond spectaculaire, gagnant plus d'un million déjeunes auditeurs et talonnant désormais NRJ, qui, avec 10 % d'audience cumulée, demeure en tête de sa catégorie.

Le 4 mars, le Conseil supérieur de l'audiovisuel donne 48 heures à Fun Radio pour cesser de retransmettre en direct les appels des auditeurs dans une émission baptisée « Love in Fun ». Le CSA exige également que les appels relatifs à la sexualité soient exclusivement traités par « Doc », un médecin animateur, excluant « Difool », l'animateur « aux ponctuations outrancières ». Cette mise en demeure, largement relayée par la station, déclenche une véritable levée de boucliers. L'émission mise en cause, où il est répondu en direct aux questions des jeunes sur la sexualité, la drogue, le chômage, les études ou l'insécurité dans les banlieues, réunit chaque soir 1,3 million d'adolescents et de jeunes adultes. Contre l'avis du CSA, le ministre de la Communication Alain Carignon apporte son soutien à Benoît Sillard, le directeur de la station, et, quelques jours plus tard, le CSA fait machine arrière en affirmant « n'avoir jamais voulu censurer l'émission mais attirer l'attention de Fun Radio sur des propos tenus à l'antenne témoignant d'une complaisance à l'égard de perversions sexuelles ». Les auditeurs, mobilisés en masse durant tout un week-end, peuvent crier victoire, même si le CSA, lequel donne un sacré coup de pouce publicitaire à l'émission, promet de sévir en cas de « nouveaux manquements ».

Ballottée, depuis 1986, de projet de privatisation en projet de privatisation, RMC se voit refuser une troisième fois, au printemps, sa privatisation. Après l'affaire Canal Plus, le gouvernement ne veut certainement pas relancer la polémique sur son rôle dans les médias en donnant suite à la plus forte des offres (540 millions de francs), faite par Havas. Celle-ci se situant nettement en dessous du prix plancher de 600 millions de francs, le gouvernement se range à l'avis de la Commission de privatisation, qui déclare l'appel d'offres infructueux. Du côté de la station, cette décision est durement ressentie, car la privatisation semble le seul moyen de sauver une entreprise peu soutenue par l'État. Les autres investisseurs potentiels, la Générale occidentale (filiale d'Alcatel) et NRJ, se montrent elles aussi extrêmement déçues et se raccrochent à la promesse d'Alain Carignon, qui n'écarte pas l'hypothèse d'une autre tentative, alors que Jean-Louis Dutaret, patron de la SOFIRAD, assure aux salariés et aux syndicats que l'État fera son devoir afin d'investir les millions nécessaires à une relance de la station. Station dont les deux hommes ont, depuis octobre, le loisir d'écouter les émissions depuis leurs cellules de Lyon et de Villefranche.

À l'automne toutefois, l'attention se porte vers Radio France. Avec une grille qui privilégie l'information, l'interactivité et l'humour, le vaisseau amiral France-Inter peut se flatter d'avoir, à sa façon, réussi à se préserver de l'alternance politique. Mais les journalistes de Radio France, souvent appelés à travailler pour Inter mais aussi pour les nombreuses filiales de la société (France-Info, ou les stations locales), entament une grève de plus de quinze jours afin d'obtenir une parité salariale avec ceux de France 2 et France 3. À l'issue d'un conflit particulièrement dur qui a fait fuir des milliers d'auditeurs en manque d'informations vers les stations privées, les journalistes obtiennent en partie satisfaction avec des augmentations mensuelles de 400 à 3 000 francs devant être étalées sur quinze mois.

NRJ

L'activité du groupe NRJ a progressé de 15 % avec un chiffre d'affaires de 430 millions. Le bénéfice net progresse de 21 %, s'établissant à plus de 111 millions de francs.

Télévision

Un putsch pour les dix ans de Canal

« Édouard m'a tuer »... La tribune libre d'André Rousselet dans le Monde du 17 février est le point culminant de la crise qui secoue Canal Plus. À la suite d'un pacte d'actionnaires secret entre Havas, la Compagnie générale des eaux et la Société générale, le « père fondateur » de la chaîne cryptée, un homme proche de la gauche, se retrouve en position minoritaire. Ce putsch, équivalant pour certains à une « mise sous tutelle de la chaîne » par Matignon, entraîne la démission immédiate du P-DG, qui en abandonne la présidence à son « fils spirituel », Pierre Lescure, jusqu'alors directeur général. En novembre, les dix ans de Canal Plus sont marqués par d'autres mauvaises nouvelles avec, pour la première fois, une stagnation du nombre d'abonnés (3,7 millions) et une chute de l'action en Bourse, passée de 1 150 francs en février à environ 915 francs en fin d'année. Toutefois, la démission tonitruante d'André Rousselet contraint le gouvernement à mettre la pédale douce sur les obligations de la chaîne, au moment de la renégociation de sa concession. Canal Plus n'est « taxée » que d'une obligation de production (5 % du chiffre d'affaires, soit environ 400 millions de francs par an), alors que l'ancien ministre de la Communication, Alain Carignon, envisageait de « solliciter sa participation au développement du plan câble » (dont les principaux opérateurs sont la Lyonnaise et la Générale des eaux...) et de limiter la publicité sur les plages en clair.