Sur le plan international, l'établissement, le 15 juin, de relations diplomatiques entre le Saint-Siège et l'État d'Israël est un événement à la fois politique et religieux. Une note publiée par le Vatican relie cet accord à « l'espérance suscitée par le processus de paix en cours » et à l'intention du Vatican de contribuer à sa consolidation. Mais il devrait aussi permettre « la défense du patrimoine historique, culturel et religieux unique qui se trouve en Terre sainte ». Jérusalem, ville-symbole où les convictions peuvent cohabiter ou s'affronter, concerne les trois religions du Livre. Le traité de paix entre Israël et la Jordanie mentionne le « rôle spécial historique » de la dynastie hachémite sur les lieux saints musulmans de la ville. Affirmation notamment contestée par les Palestiniens et, pour la première fois, la Jérusalem musulmane possède deux grands muftis, l'un désigné par le roi Hussein, l'autre par Yasser Arafat.

L'aggravation des tensions politico-religieuses

D'autres événements de l'année manifestent aussi des interférences entre le politique et le religieux. Les églises chrétiennes ont été durement touchées par les massacres et la guerre civile au Rwanda – l'archevêque de Kigali, de nombreux ecclésiastiques et cadres laïcs figurent parmi les victimes –, alors que le premier synode catholique des évêques d'Afrique noire a confirmé la recherche d'une « inculturation » du christianisme sur ce continent. Un conflit ancien – celui qui oppose catholiques et protestants en Irlande du Nord – semble en voie d'apaisement : une trêve s'est instaurée. Mais la guerre dans l'ex-Yougoslavie a des conséquences de plus en plus dramatiques. Le pape a dû renoncer à son projet de se rendre à Sarajevo. Certes, cette visite pouvait entretenir « le fantasme des orthodoxes de l'Europe du Sud-Est d'un complot tramé par le catholicisme et l'islam » (O. Clément). Cependant, sa signification principale consistait à soutenir le refus d'une politique de « purification ethnique ». L'échec de cette visite est donc particulièrement significatif. Sur le terrain, les musulmans de Bosnie étaient parmi les porteurs d'une visée universaliste. Que l'Europe et l'Occident, quelles qu'en soient les raisons très complexes, n'aient pas pu soutenir avec efficacité le projet d'une société pluriethnique et plurireligieuse s'avère particulièrement inquiétant pour l'avenir.

Autrement, Atlas des religions dans le monde, série Allas, no 4, avril 1994.
Jean Baubérot, Religions et laïcité dans l'Europe des douze, Paris, Syros, 1994.
Gilles Kepel, À l'ouest d'Allah, Paris, Seuil, 1994.
Émile Poulat, l'Ère postchrétienne, Paris, Flammarion, 1994.

Jean Baubérot
Président honoraire de la section des sciences religieuses à l'École pratique des hautes études

Les Français et leurs croyances

Trois sociologues (G. Michelet, J. Sutter, J. Potel) ont réalisé avec l'Institut CSA un sondage pour la Vie, ARM, le Monde (janvier 1994). Celui-ci montre l'évolution des croyances et des pratiques religieuses en France. 68 % des personnes interrogées se déclarent catholiques, 23 % sans religion et 8 % mentionnent d'autres religions. 15 % des sondés ont une pratique régulière – assistance a un office au moins une fois par mois –, contre 34 % en ex-Allemagne de l'Ouest, 41 % en Espagne, 53 % en Italie. Les principales croyances chrétiennes – Jésus-Christ fils de Dieu (56 %), ressuscité (51 %), le pardon des péchés (52 %), le Saint-Esprit (46 %), la Trinité (32 %) – coexistent avec d'autres croyances – astrologie (60 %), tables tournantes (31 %). La tendance est à l'individualisme religieux (71 % des sondés pensent que « chacun doit définir lui-même sa religion » et le même pourcentage refuse de dire en « avoir fini avec la foi »), à l'autonomie de la conscience morale (83 %), à l'idée que la science contribue au progrès (84 %) sans jamais parvenir à tout expliquer.

Ce sondage indique donc que si, institutionnellement, le catholicisme est toujours hégémonique, culturellement et spirituellement, le rapport des Français à la religion apparaît très diversifié. Une question relative à l'importance donnée à la foi dans la vie quotidienne le confirme : 15 % des sondés lui accordent « une très grande importance », 27 % « une assez grande importance », 29 % « peu d'importance », et 28 % « aucune importance ».