Europe de l'Ouest

Grande-Bretagne

Souvent vilipendé dans son propre camp, John Major est un Premier ministre qui finit par surprendre, tant son parcours politique semble chaotique et tant il parvient, en fin de compte, à demeurer au pouvoir. L'année commence pour lui dans des conditions difficiles. Sur le théâtre européen, il maintient une position toujours hostile à l'intégration communautaire et contraint ses onze partenaires à élaborer un compromis byzantin sur le système de pondération des voix entre les pays de l'Union. Ce n'est pas suffisant pour ses amis politiques, qui l'accusent d'avoir « capitulé devant Bruxelles ». En mai, des élections partielles se soldent par une déroute des candidats conservateurs. La mort soudaine du leader travailliste John Smith permet l'arrivée à la tête du Labour du jeune et médiatique Tony Blair, chouchou des sondages. Cela n'empêche nullement M. Major de déclarer que la mendicité constitue un spectacle « très choquant », provoquant un tollé dans l'opinion. Début juin, la Cour de justice européenne condamne la Grande-Bretagne pour non-respect des règles communautaires en matière sociale. Quelques jours plus tard, les conservateurs essuient un nouvel échec aux élections européennes (27 % des voix, contre 43 % aux travaillistes). M. Major reste impassible, soulignant, comme une sorte de succès, la très faible participation des électeurs à ce scrutin. Dans les mois qui suivent, M. Blair s'attache à moderniser définitivement le Labour en tentant de le dégager un peu plus de la tutelle des syndicats, ce qu'il ne réalise d'ailleurs pas complètement tant les résistances de la vieille gauche demeurent puissantes. Pendant ce temps, le Parti conservateur et le gouvernement sont traversés par plusieurs scandales « sexuels » et financiers, tandis que l'aile droite du parti continue de se déchaîner contre l'Europe, utilisant un discours à la limite de la xénophobie. M. Major ne se démonte pas pour autant et marque des points sur deux fronts essentiels : l'économie et l'Irlande du Nord. Le PIB britannique continue sa progression au rythme annuel de 3 à 3,5 %, dopé par une consommation des ménages plus vigoureuse et par une baisse du chômage, qui se situe aux alentours de 9 % (ce qui n'arrête pas pour autant une progression inquiétante de la pauvreté). En Ulster, les activistes catholiques de l'IRÀ acceptent de déposer les armes en septembre, suivis quelques semaines plus tard par leurs homologues protestants.

Malgré tous ses handicaps, M. Major apparaît ainsi comme un point de stabilité, alors même que la monarchie sombre dans la pantalonnade et les histoires d'alcôve.

Richesse relative

En 1960, la Grande-Bretagne occupait la 8e place au classement des PIB par habitant, avec 6 370 dollars (la France était alors 14e). En 1991, elle est tombée à la 17e place, avec 16 340 dollars (la France est passée à la 7e place).

Tony Blair, le nouveau leader travailliste, a 42 ans. Issu d'une famille conservatrice, il fait ses études dans un collège réputé, puis à Oxford. Anglican pratiquant, il est marié à une catholique. Il adhère au Labour à 23 ans et se fait élire 7 ans plus tard, en 1983, dans le comté de Durham. En 1989, il ose se prononcer contre le maintien de l'exclusivité syndicale dans les entreprises, ce qui lui vaut l'hostilité de la gauche du parti. C'est un Européen convaincu. Plutôt beau garçon, il passe bien dans les médias. Ses adversaires l'estiment un peu trop tendre et opportuniste ; ils le surnomment ainsi « Bamby » ou « Tony Blur » (flou).

Décadence ?

Face aux révélations à répétition des frasques de la famille royale, le très sérieux Economist écrit que la monarchie est « une idée qui a fait son temps ». Le journal ajoute que « les sondages montrent toujours un soutien assez large [à la Couronne], même s'il ne cesse de décliner : en moyenne, 70 à 75 % des personnes interrogées se prononcent pour son maintien, contre 85 à 90 % il y a dix ans. »

Irlande

Stimulée par les aides de l'Union européenne, l'économie nationale se singularise par sa vigueur, tendant vers les 5 % de croissance. Dans ce contexte favorable est apparue, à la fin de l'été, la grande nouvelle du cessez-le-feu unilatéral décrété en Ulster par l'IRA. L'événement avait été en quelque sorte préparé par la déclaration irlando-britannique du 15 décembre 1993, quand John Major et Albert Reynolds avaient conjointement appelé les groupes armés catholiques et protestants à cesser les hostilités. M. Reynolds cherche alors à accélérer le processus, recevant Gerry Adams, le leader catholique modéré d'Ulster. Tout semble remis en cause quand éclate, en novembre, la coalition gouvernementale qui unissait depuis novembre 1992 les travaillistes de Dick Spring et les conservateurs de Fianna Fail menés par M. Reynolds. La rupture intervient sur une banale histoire de nomination de magistrat, révélant en fait la permanence de l'influence de la morale catholique sur la marche des affaires publiques. M. Reynolds démissionne le 17 novembre, pour être remplacé à la tête du parti par le ministre des Finances, Bertie Ahern. On craint alors que cette crise politicienne ne remette en cause l'ensemble du processus de paix en Ulster. Le 15 décembre, le Dail (Parlement) désigne John Bruton, leader du Fine Geal (centre droit) comme nouveau premier ministre. Âgé de 47 ans, celui-ci désigna un gouvernement de coalition de centre gauche avec les travaillistes et les socialistes.

Ulster

1800 : Londres annexe l'Irlande à la Grande-Bretagne. 1848, 1867, 1916 : soulèvements.