Chroniques politiques

Les élections législatives

Les socialistes s'attendaient à une défaite, ils ont connu la déroute. Usés par une décennie de pouvoir, déconsidérés par les affaires et victimes de l'explosion du chômage qu'ils n'ont pas réussi à juguler, ils ont essuyé, les 21 et 28 mars, l'échec le plus cuisant de leur histoire. Jamais, sous la Ve République, leur représentation parlementaire n'a été aussi faible et, à l'inverse, jamais celle de la droite aussi forte. Au lendemain du second tour, la gauche n'est plus qu'un champ de ruines, c'est, comme certains l'ont écrit, l'« alternance par KO ».

Quinze membres du gouvernement de Pierre Bérégovoy vont au tapis, le Premier ministre ne sauvant son siège que de justesse, et des « vedettes » comme Lionel Jospin et Michel Rocard sont remerciées. Dans plus de cinquante départements, la gauche est rayée de la carte. Les bastions traditionnels du Nord, du Midi-Pyrénées et du Limousin, pour ne citer qu'eux, ne résistent pas à la déferlante de la droite. Un véritable séisme. Sans doute des signes avant-coureurs le laissaient-ils présager : les élections cantonales et régionales de mars 1992, notamment, avaient déjà révélé de façon sévère le discrédit de la majorité et, dans une moindre mesure, le piètre résultat du référendum sur Maastricht, en dépit de l'engagement sans réserve du chef de l'État, en témoignait. Mais qui eût imaginé pareille leçon ?

Le scrutin confirme le rejet profond de l'opinion pour le parti du président. Le remplacement, un an auparavant, à l'hôtel Matignon, d'Édith Cresson par l'homme du franc fort, Pierre Bérégovoy, n'a pas réussi à endiguer ce phénomène. L'erreur tactique du PS à ne vouloir en aucun cas rétablir, même partiellement, le scrutin proportionnel a amplifie, sans doute de façon un peu artificielle, mais c'est la loi du majoritaire, le mouvement de balancier. D'autant que les socialistes – deuxième erreur – ont été incapables de nouer à temps, pour le second tour, des alliances solides avec les écologistes. Résultat : des 257 députés PS de l'ancienne Assemblée, la nouvelle n'en compte plus que 53 ! Contre plus de 480 pour le RPR et l'UDF.

Le premier tour, marqué par une abstention relativement forte (31,08 %), voit donc l'effondrement de la gauche. Avec moins de 18 % des suffrages (19,3 % avec le MRG), le PS perd 15 points et près de quatre millions de voix par rapport aux élections de 1988. Aucun de ses candidats n'est élu au soir du 21 mars. Le PC, avec 9,2 %, régresse lui aussi par rapport aux dernières législatives, mais fait légèrement mieux qu'aux régionales. La surprise vient du côté des écologistes. Antoine Waechter pour les Verts et Brice Lalonde pour Génération Écologie, forts des sondages qui les créditent d'importantes intentions de vote, se voyaient déjà jouer les « cadors » (gros bras) dans l'hémicycle. Eux qui espéraient devancer le PS doivent déchanter. Leurs partis ne totalisent pas 8 %. Un recul spectaculaire par rapport aux régionales (14 % en incluant les divers écologistes). Seuls deux des leurs (dont la Verte Dominique Voynet) dépassent la barre de 12.5 % des inscrits, ce qui leur permet d'être présents au second tour. Ils sont victimes du vote utile, de la volatilité de leur électorat, composé en partie par des déçus du socialisme et des dérapages des leaders de celui-ci. La stratégie du « ni-ni » (ni droite ni gauche) s'est révélée hasardeuse.

Avec près de 40 % des suffrages et quelque 10 millions de voix, l'Union pour la France (UPF) triomphe. 90 de ses candidats sont élus dès le premier tour, et la grande majorité des ballottages lui est favorable. C'est un raz de marée. A tel point que, le soir des résultats, devant l'ampleur de ce triomphe, ses leaders se sentent obligés d'afficher à la télévision une modestie peu courante. L'union RPR-UDF, limitée seulement à une poignée de primaires autorisées, a fonctionné au-delà des espérances. Au grand dam de Valéry Giscard d'Estaing, sa formation est devancée par celle de Jacques Chirac. Sans doute, la progression du Front national (12,4 %) empêche-t-elle la droite parlementaire de réaliser un meilleur score. Le parti de Jean-Marie Le Pen s'installe comme la troisième force politique du pays devant les écologistes et les communistes. Une centaine de ses candidats sont en position de se maintenir le 21 mars. Aucun ne sera élu le dimanche suivant.