Le Guatemala et le Nicaragua n'ont pas connu cette évolution heureuse. Le 25 mai, le président guatémaltèque Jorge Serrano a suspendu la Constitution, ouvrant ainsi une crise politique. Lâché par les militaires, il a été remplacé par Ramiro de Léon (4 juin). Aucun accord de paix n'est en vue avec la guérilla, et Rigoberta Menchu, prix Nobel de la paix 1992, mène une opposition sans trêve contre les militaires. Au Nicaragua, la situation politique et économique n'a cessé de s'aggraver. Les concessions de la présidente Violeta Chamorro aux sandinistes ont mécontenté ses alliés politiques de l'UNO (Union nationale d'opposition), qui lui ont retiré leur soutien. Le nord du pays est au bord de la guerre civile, les combats ayant repris entre les anciens « contras » (recontras) et les sandinistes (recompas). Les premiers veulent l'éviction des sandinistes de tous les postes de pouvoir qu'ils ont conservés depuis leur défaite électorale de 1990 (notamment la mise à l'écart d'Umberto Ortega, commandant en chef de l'armée), tandis que les sandinistes souhaitent conserver les terres et les biens confisqués à leur profit. Les efforts de conciliation de Violeta Chamorro ont totalement échoué.

Haïti et Cuba

Fidel Castro a mené une politique d'ouverture économique sans lâcher de lest sur le plan politique. La dépénalisation de la possession de devises, qui accentue la dollarisation de l'économie cubaine, s'est accompagnée d'un début de privatisation dans l'agriculture et de l'autorisation de s'installer à son compte dans plus d'une centaine de professions, tandis que les investissements étrangers sont favorisés. Mais des pans entiers de l'activité sont paralysés par manque de ressources énergétiques, et la disette menace malgré l'essor du marché noir. Les dissidents politiques sont persécutés avec acharnement, et les premières élections au suffrage universel direct depuis la révolution (conseillers municipaux en juin 1992, députés le 24 février 1993) se sont déroulées en l'absence de candidats d'opposition.

Haïti défraie la chronique internationale depuis le 16 juin, date à laquelle le Conseil de sécurité de l'ONU a décidé des sanctions contre les militaires au pouvoir. L'accord signé à New York le 3 juillet, sous l'égide de l'ONU, entre le général Raoul Cédras (auteur du coup d'État de septembre 1991) et le président élu Jean-Bertrand Aristide, prévoyait le vote d'une loi d'amnistie en faveur des premiers et le retour du second à son poste le 30 octobre. Alors que l'ONU levait les sanctions dès le 26 août, les militaires, s'appuyant sur quelques milliers de soldats, sur les « attachés » (policiers en civil) et sur les politiciens néoduvaliéristes, ont tout fait pour entraver la mise en application des accords. Ils ont défié les États-Unis et l'ONU en mobilisant leurs partisans le 11 octobre pour empêcher le débarquement d'un contingent de 250 soldats nord-américains et canadiens chargés par l'ONU de préparer le retour d'Aristide. Audace aussitôt sanctionnée par le rétablissement de l'embargo sur le pétrole et sur les armes (13 oct.). À l'intérieur, les hommes de main des militaires font régner la terreur, qui a culminé avec l'assassinat du ministre de la Justice, Guy Malary, un juriste respecté (14 oct.). Début novembre, la situation paraissait bloquée : alors que le retour du président haïtien était ajourné sine die, les États-Unis excluaient une intervention militaire unilatérale qu'Aristide lui-même semblait appeler de ses vœux pour neutraliser les militaires.

Pétrole cubain

Alors que l'île consommait 11,6 millions de tonnes de pétrole en 1989, elle n'a pu disposer que de 6,9 millions en 1992, faute de devises pour l'acheter à l'étranger ou d'une production interne suffisante (1,3 million prévu en 1993). D'où les constantes coupures d'électricité (jusqu'à huit heures par jour à La Havane), qui paralysent l'activité économique. Carlos Lage, un jeune technocrate artisan de la nouvelle politique économique, a fait appel à trois sociétés étrangères (dont Total) pour prospecter les zones pétrolifères de l'île.

Fidel Castro

Au pouvoir depuis trente-trois ans, le leader cubain est aujourd'hui le seul dictateur latino-américain encore en exercice et le seul dirigeant communiste du monde occidental. Il a, cette année, laissé envisager à plusieurs reprises la possibilité de son départ, qui apparaît comme l'une des conditions de la normalisation des relations entre les États-Unis et Cuba, notamment de la levée de l'embargo. Les mesures de libéralisation économique vont dans le même sens. Les Cubains, même s'ils sont las de la pénurie et de l'absence de liberté politique, n'envisagent pas sans quelque appréhension le retour possible des milliers d'exilés de Miami, animés de désirs de revanche et prêts à s'emparer de la totalité de l'économie cubaine. C'est sans doute, avec la répression, l'une des explications à l'absence d'initiative politique des Cubains depuis la fin de la guerre froide.

Chrono. : 17/01, 21/04, 9/05, 21/05, 1/06, 5/06, 6/06, 3/07, 31/08, 2/09, 11/10, 31/10, 27/11, 11/12.

Annick Lempérière-Roussin
Maître de conférences à l'université de Paris-I