Au Venezuela, les recettes libérales, appliquées avec vigueur depuis 1989 et poursuivies en 1993, ont déçu. L'État, appauvri par la baisse des cours du pétrole brut, n'a pas pu équilibrer son budget ni juguler l'inflation, encore supérieure à 30 %. Par ailleurs, les taux d'intérêt très élevés gênent la croissance, presque nulle en 1993 après avoir atteint un taux de 7,3 % en 1992. La réforme financière, qui interdit désormais à la Banque centrale de financer le budget et qui prévoit un plafond d'endettement pour l'État, est favorable à un redressement, mais le grave déficit de la balance des paiements empêche le Venezuela de retrouver pour le moment la confiance des bailleurs de fonds internationaux.

Pauvreté

Qu'elles se soldent ou non par le retour à la croissance, les politiques libérales ont un coût social extraordinairement élevé. Au Venezuela, le pouvoir d'achat a diminué de 40 % en dix ans et 50 % des habitants vivent au-dessous du seuil de pauvreté, tandis que 20 % des classes moyennes sont en voie de prolétarisation. En Argentine, où le salaire moyen est équivalent à 600 ou 700 dollars par mois, Buenos Aires est devenue, par le jeu de la surévaluation monétaire, aussi chère que New York, et le pouvoir d'achat global stagne d'autant plus que les restructurations ont réduit les emplois dans le secteur public de 290 000 personnes en 1989 à 41 000 en 1993. Au Chili, où le chômage officiellement reconnu est pourtant tombé à 4,5 % et où la croissance a atteint 6 % en 1993, on admet l'existence de 780 000 indigents, et 3 millions de personnes, sur 13,5 millions d'habitants, gagnent moins de 500 F par mois. La mise en œuvre de politiques sociales tarde à venir, mais, au Mexique, le « programme national de solidarité » du président Carlos Salinas aura permis de réduire les effets de la rigueur. Le Brésil continue de détenir le triste record des écarts de revenus entre riches et pauvres, et aucun système de protection sociale n'est à l'ordre du jour dans ce pays. La démocratie, encore convalescente en Amérique latine, est-elle viable à long terme dans ce contexte de tensions sociales parfois explosives ?

Économie informelle

Au Brésil, où le sous-emploi et le chômage font des ravages (1,4 million de chômeurs dans la seule ville de São Paulo), l'économie « informelle » (y compris les paris illégaux, la prostitution et le trafic de drogue) atteindrait selon le Financial Times une valeur de 490 milliards de dollars par an, soit davantage que le PNB. 200 000 commerces de camelots à Rio de Janeiro et 160 000 à São Paulo (cinq fois plus que le nombre de boutiques patentées) échappent ainsi à l'impôt et accroissent le désordre urbain, mais constituent pour les plus pauvres une véritable « ceinture de survie ».

Lutte contre la pauvreté

Depuis le retour de la démocratie au Chili, des initiatives se sont développées pour permettre aux plus démunis de retrouver une activité économique. Plus de 300 000 micro-entrepreneurs, qui n'auraient jamais pu accéder au crédit bancaire, ont pu se lancer dans le petit commerce ou l'artisanat à domicile grâce aux prêts accordés par des fondations de solidarité publiques ou privées.

Élections

La consultation des électeurs semble devenir une habitude dans l'ensemble des pays du continent. Le Paraguay, dirigé depuis la chute de Stroessner en 1989 par le général Andres Rodriguez, a rejoint en 1993 le camp des démocraties. Les élections générales du 9 mai, en dépit des rumeurs de coup d'État, se sont déroulées normalement à l'issue d'une campagne électorale sans heurts. L'homme d'affaires Juan Carlos Wasmosy, candidat du parti Colorado au pouvoir depuis 46 ans, a été élu président de la République sur un programme très consensuel prônant l'économie de marché. Le même respect de la démocratie a été observé en Bolivie lors des élections générales du 6 juin : arrivé en tête avec 35 % des voix, Gonzalo Sanchez de Lozada, riche entrepreneur, a été élu président par le Congrès, après le retrait de son concurrent, le général Banzer, ancien dictateur reconverti à la démocratie, qui avait obtenu 25 % des suffrages. Les Argentins, au cours des élections législatives partielles du 3 octobre, ont plébiscité la politique économique en donnant une large victoire au parti justicialiste du président Carlos Menem : les péronistes ont même réussi à s'imposer à Buenos Aires, bastion radical depuis quarante ans.