Maniant tour à tour la terreur et la négociation, le maréchal Mobutu (Zaïre), le général Gnassingbé Eyadéma (Togo), le colonel Deby (Tchad) ont su à la fois s'accommoder des pressions internationales et maintenir leur position. Le premier, après avoir maté fin janvier une tentative de rébellion militaire, a créé une situation inédite : en raison de sa rupture avec le Premier ministre et le parlement de transition, le Zaïre a deux gouvernements, deux parlements, et, sur fond de désastre économique, des négociations ont été ouvertes en août entre la mouvance présidentielle et l'opposition. Au Togo, les tensions ont tourné au drame en début d'année à la suite d'exactions militaires, mais le général Eyadéma a été élu président lors d'une consultation boycottée par l'opposition. Au Tchad, le colonel Idriss Déby a réussi à maîtriser la conférence nationale alors que sa garde personnelle multipliait les massacres au sud du pays. Parmi les stratégies d'autoritarisme, celle du général Ibrahim Babangida restera un modèle. Après avoir tergiversé pour organiser les élections présidentielles, l'ancien chef de l'État nigérian a fait « annuler » les résultats du scrutin du 12 juin, favorables à Moshood Abiola. Abandonnant finalement ses fonctions le 26 août, il a transmis le pouvoir à un gouvernement civil intérimaire, qui n'a aucune légitimité populaire, contrairement au candidat régulièrement élu.

Philippe Bernard, ambassadeur de France au Zaïre, a été tué lors des mutineries militaires qui ont fait une centaine de morts à Kinshasa fin janvier. Selon la Ligue zaïroise des droits de l'homme, la Division spéciale présidentielle s'est livrée à des tueries systématiques. En juillet, des observateurs américains ont relevé des déplacements massifs de population au Shaba et au Kivu, à la suite d'affrontements interethniques.

L'ONU contre les chefs de guerre

En engageant la lutte directe, politique ou militaire, contre des chefs de guerre ayant plongé leurs pays dans le chaos en défiant la communauté internationale, l'ONU est devenue, en 1993, un acteur essentiel sur la scène africaine.

En Angola, le chef de l'UNITA, Jonas Savimbi, refusant le verdict des urnes, a rallumé une guerre civile atroce. Ses troupes occupent les trois quarts d'un pays aujourd'hui dévasté, où trois des dix millions d'habitants sont menacés de famine, mais l'armée gouvernementale contrôle encore 65 % de la population. Condamnée par le conseil de sécurité de l'ONU après l'échec des pourparlers de paix d'Abidjan, soumise à un embargo sur les armes et le pétrole, l'UNITA, isolée, a proposé un cessez-le-feu en septembre, auquel le gouvernement de Luanda n'accorde aucun crédit. Au Liberia, les 16 000 « casques blancs » de l'ECOMOG, soutenus par l'ensemble des pays de la CEDEAO, ont mis en déroute les forces rebelles de Charles Taylor, dont les tueries ont été dénoncées par le représentant du haut-commissariat pour les réfugiés. La mise en place d'un gouvernement intérimaire après l'accord survenu le 25 juillet entre les belligérants, la volonté affichée par l'ONU d'accompagner le processus de paix sont certes encourageantes, mais rien ne garantit la tenue des élections libres prévues en 1994.

En Somalie, l'opération humanitaire et très médiatisée « Rendre l'espoir », lancée en juin 1992 sous contrôle de l'armée américaine pour mettre fin au détournement de l'aide alimentaire, a tourné à l'affrontement sanglant. Le 4 mai, l'ONU a pris le commandement des troupes étrangères et engagé l'option militaire contre le général Aïdid et ses bandes armées. L'ONUSOM (Opération des Nations unies en Somalie) a cependant échoué. L'aide alimentaire est mieux répartie, mais les soldats onusiens sont assimilés par nombre de Somaliens à une force d'occupation coloniale. Violemment pris à partie, multipliant les dérapages « de vengeance » dénoncés par les organisations humanitaires, le contingent international, dont les chefs sont divisés, est enlisé. Fin septembre, les États-Unis et l'ONU envisageaient une solution politique, dans un climat d'extrême tension. Sollicitée par la France pour soutenir l'accord intervenu en mars entre le gouvernement rwandais et les rebelles à l'issue de violents affrontements entre Hutus et Tutsis, garante du rapatriement de 1,3 million de nationaux et de la paix retrouvée au Mozambique, l'ONU s'est substituée à une OUA défaillante et incapable de prévenir ou de régler les conflits.

Selon le HCR, plus de 130 000 Togolais ont fui au Bénin et près de 100 000 au Ghana après la sanglante répression de la fin janvier à Lomé. Le général Eyadéma a – recueilli » 96,42 % des voix lors de l'élection présidentielle du 25 août, mais 63,8 % des électeurs se sont abstenus.

D'après M. Boutros-Ghali, secrétaire général de l'ONU, le conflit angolais est le plus meurtrier du monde. Plus d'un millier de personnes meurent chaque jour et la situation économique est désespérée (1 000 % d'inflation prévus en 1993).

Au Rwanda, 600 000 paysans ont fui leurs villages du Nord-Est après la reprise des combats, en février, entre les troupes régulières, aidées par des renforts français, et les rebelles du FPR.