Archéologie

Marseille : les premiers siècles du Vieux-Port

Les vestiges de dix navires antiques et d'installations portuaires remontant aux temps gallo-romains et grecs, telles sont les découvertes faites au cours des fouilles de la place Jules-Verne, à Marseille, à deux pas du Vieux-Port, entre la mi-août 1992 et la mi-août 1993. Découvertes sans doute à peu près uniques. Les 25 à 30 contractuels dirigés par Antoinette Hesnard ont en fait découvert des lambeaux de vie de ce port pendant les quelque huit siècles de l'Antiquité, depuis la fondation de Marseille vers l'an 600 jusqu'au temps des grandes invasions.

Côté ville sont apparus des vestiges d'installations portuaires : entrepôts d'époque romaine ; fragments de quais construits en pierre et en bois avec de longs pieux, des planches, des batardeaux ; vestiges d'un chantier naval d'époque hellénistique avec des chemins de halage en rouleaux de bois ; et même de grandes pierres bien taillées, longues de 1,20 m, qui servaient de parement au quai grec du vie siècle, un quai au sol fait de galets.

Côté mer, on a fouillé les sédiments, noirâtres, accumulés pendant des siècles, qui racontent l'avancée progressive du rivage, l'envahissement de cette partie de la calanque par des rejets naturels et surtout humains : tout ce qu'on a pu jeter dans l'eau du port pendant 800 ans. Les fouilleurs ont recueilli plus d'un millier d'objets en bois, plusieurs centaines de vanneries et d'objets en cuir ; ils ont retrouvé des tablettes à écrire, des outils de marine, de la vaisselle de bois, des éléments de superstructure des navires. Ils ont trouvé aussi quatre fonds de bateaux, datés du ier au ive siècle de notre ère, qui ont été coulés pour servir de supports à des appontements.

Le joyau, ce sont évidemment les deux épaves d'époque grecque. Découvertes quelques semaines avant la fin des fouilles (fouilles de sauvetage financées par la société du métro de Marseille), elles ont nécessité une prolongation du chantier. Elles se trouvaient dans les sédiments, datés (grâce aux objets) de la fin du vie siècle avant notre ère, et correspondent donc aux premières générations massaliotes. L'une est une barque longue de 5 m, qui a été entièrement cousue, selon le mode ancien de construction. La seconde est un bateau de 14 m de long, assemblé selon le procédé classique (mais alors moderne) par tenons, mortaises et chevilles. Il faudra bien deux ans pour traiter les bois et reconstituer les structures restantes de ces navires avant de pouvoir les présenter au musée d'Histoire de Marseille.

Les latrines d'Herculanum

Au premier siècle de notre ère, avant leur destruction par le Vésuve, pratiquement toutes les maisons d'Herculanum et de Pompéi disposaient de toilettes. Telle est la constatation de l'archéologue hollandaise Gemma Jansen, qui a dénombré sur ces deux sites célèbres 62 et 305 latrines. Pour les maisons importantes, où l'on suppose que vivaient de nombreux esclaves, il existait des toilettes à plusieurs places. Les toilettes romaines étaient le plus souvent placées dans un réduit particulier, et disposaient d'un siège, d'une évacuation. Elles étaient généralement reliées au système d'alimentation en eau de la ville et l'eau y coulait en permanence. Certaines avaient toutefois des fosses particulières, régulièrement vidangées. Il y avait souvent, bien sûr, des graffiti sur les murs...

Les vieux hommes d'Atapuerca

Ils étaient au moins 24. Leurs os ont été découverts très loin, dans une grotte d'Atapuerca (la Sima de los Huesos, ou « le gouffre des os ») près de Burgos, dans ce qu'on appelle une brèche à ossements. Les dégager a nécessité de rudes expéditions et le forage d'une galerie, seule capable d'atteindre ce gisement, unique au monde et qui fait rêver tous les spécialistes... Car tous ces fossiles humains sont vieux au moins de 300 000 ans selon les premières estimations. Pour le moment, l'étude des trois premiers crânes montre que les hommes d'Atapuerca rentrent parfaitement dans le schéma évolutif qui voit un glissement très progressif des Homo erectus d'il y a 7 ou 800 000 ans aux Néandertaliens d'il y a environ 100 000 ans. L'intérêt de cette grande découverte viendra évidemment de l'étude anthropologique de l'ensemble. Qui permettra peut-être aussi de savoir pourquoi ces os sont arrivés là.

Henri de Saint-Blanquat