Europe centrale

Pologne

L'année 1993 a été dominée par les élections législatives du 19 septembre, qui font suite à la motion de méfiance votée le 28 mai, à une voix de majorité, contre le gouvernement de Hanna Suchocka installé en juillet 1992 et proche de l'Union démocratique (UD). Ce gouvernement a pâti de la mauvaise situation économique du pays (stabilisation de l'inflation à moins de 40 %, mais montée du chômage qui atteint 14,6 % de la population active).

L'alternance politique

La population, déçue par les cinq années de gestion des gouvernements issus de Solidarnosc, se déplace peu pour voter (le taux d'abstention étant de 52 %) et donne l'avantage aux postcommunistes et à leurs alliés populistes, favorables au retour aux systèmes sociaux du passé et à l'amélioration des conditions de vie des travailleurs : les ex-communistes de l'Alliance de la gauche démocratique (SLD) obtiennent 171 sièges sur 460 avec 20,41 % des voix, et ceux du Parti paysan (PSL) 132 sièges avec 15,4 % des voix. Pour la première fois, les partis émanant du communisme obtiennent un label démocratique : en Pologne, comme ailleurs, la gauche est en train de sortir de son isolement. Quant aux groupes issus de Solidarnosc, ils s'effondrent, et l'UD ne recueille que 74 sièges. Ce scrutin s'est effectué conformément à la nouvelle loi électorale, adoptée le 15 avril, qui conserve le mode de scrutin proportionnel pour les élections législatives mais impose aux partis un seuil minimal de 5 % des voix à l'échelle nationale pour pouvoir entrer au Parlement : sur les 222 partis enregistrés, seulement six sont entrés à la Diète (contre 29 précédemment) : on peut donc espérer une meilleure stabilité gouvernementale.

Le 18 octobre, le président Lech Walesa confie à Waldemar Pawlak, président du PSL, la mission de former le gouvernement. Malgré le désaveu des populations, le nouveau gouvernement reste dominé par les hommes du président, tant à l'Intérieur qu'aux Affaires étrangères et à la Défense nationale.

De l'ouverture à l'ouest au développement des relations interrégionales

La priorité est généralement donnée au « triangle » franco-polono-allemand et au rapprochement avec la Communauté européenne. Comme les autres pays de la région, la Pologne cherche aussi à adhérer à l'OTAN. Elle obtient ainsi du président russe Boris Eltsine, lors de sa visite à Varsovie le 25 août, qu'il affirme que « la Russie comprendrait une adhésion de la Pologne à l'OTAN ». Mais cette déclaration sera ensuite démentie, puisque Boris Eltsine demandera que l'OTAN n'accepte plus d'autres pays dans son sein. La question demeure donc en suspens.

Quelques voix, plus rares il est vrai, défendent cependant la priorité de l'orientation vers l'Est, et la Pologne participe aux différents groupes régionaux, non seulement le groupe de Vysehrad, mais aussi l'Initiative centre-européenne (avec l'Autriche, l'Italie, la Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, la Macédoine, la Bosnie et la Croatie), qui réunit en juillet ses dix Premiers ministres.

Enfin, les relations avec la Russie se sont assainies après le départ du dernier détachement des troupes soviétiques les 17 et 18 septembre.

Libéralisation de la vie religieuse et de l'information

Le 28 juillet, un concordat a été signé avec le Saint-Siège (qui doit encore être ratifié par la Diète) : il stipule notamment que l'État et l'Église sont indépendants et autonomes, garantit la liberté de culte, le respect des valeurs chrétiennes et autorise l'Église à éditer des journaux et à fonder des stations de radio et de télévision (article 20). Après quelques débordements et « initiatives malheureuses » de l'Église dans la vie publique, notamment à propos de la loi anti-avortement, adoptée le 30 janvier, il semble que l'on s'achemine vers un nouvel équilibre dans les rapports entre le catholicisme et le pouvoir, surtout après la débâcle des partis chrétiens aux élections.

La libéralisation progressive de l'information, malgré les retards dans la privatisation des moyens audiovisuels, devrait confirmer l'orientation démocratique et pluraliste du pays.

Hongrie

Radicalisation

La Hongrie vit en 1993 le début de la campagne électorale dont le dénouement est prévu pour le printemps prochain. La législature actuelle fonctionne sur une coalition de centre droit, dominée par le Forum Démocratique (MDF) et dirigée, jusqu'à son décès le 12 décembre, par Jozsef Antall. Elle doit faire face à une radicalisation de la vie politique depuis que se développe, au sein du MDF, une tendance nationaliste extrémiste, groupée autour du mouvement de l'écrivain Istvan Csurka, la Voie hongroise (Magyar Ut). En août dernier, ce groupe nationaliste s'était fait remarquer en diffusant un pamphlet aux accents antisémites, favorable à la création d'un « Lebensraum magyar », et à une « Hongrie hongroise ». Après un effort de conciliation, le Premier ministre se décide en juin 1993 à exclure Istvan Csurka et trois de ses collègues. Cette radicalisation politique dépendra en fait de l'évolution de la situation des minorités hongroises en Roumanie, Serbie, Ukraine et Slovaquie, et donc de la stabilité des frontières avec ces quatre pays. La Hongrie réunit tous ses efforts pour résoudre ce problème. En mai, elle signe ainsi un accord avec l'Ukraine, où les deux parties déclarent « respecter l'intégralité territoriale de l'autre et affirment qu'elles n'auront pas de revendications territoriales » à l'égard de l'autre. D'autre part, le Parlement vote le 7 juillet, à la quasi-unanimité, une loi garantissant les droits des minorités nationales et ethniques vivant en Hongrie (dont près de 500 000 Tsiganes). Ce droit constitue une sorte de bon exemple pour les pays voisins, où vivent environ trois millions de Hongrois. Le 16 septembre, les ministres des Affaires étrangères de Hongrie et de Roumanie se rencontrent afin d'aborder dans un esprit de conciliation la question de leurs minorités respectives (notamment celle des Hongrois de Transylvanie).

Les médias

Le pluralisme de l'information est difficile à mettre en place. Si le nouveau système de la presse fonctionne plutôt correctement, avec 80 % d'investissements allemands et français, les cinq chaînes de radio et de télévision continuent à dépendre du gouvernement qui cherche toujours à dominer l'audiovisuel.

République tchèque

Créée le 1er janvier 1993, elle couvre une superficie de 78 864 km2 et compte 10,3 millions d'habitants, dont 81 % de Tchèques, 13,2 % de Moraves et 3 % de Slovaques. En septembre, lorsque le projet de loi sur l'administration régionale et communale a été élaboré, le Mouvement pour l'autogestion de la Moravie et quelques partis locaux ont demandé une forte autonomie régionale. Cette tendance a achoppé sur l'opposition du Premier ministre conservateur Vaclav Klaus.

Vers une économie de marché

La transition progresse, comme en Pologne et en Hongrie. Vaclav Havel est favorable à une privatisation rapide de l'économie : « Chez nous, a-t-il déclaré, il s'avère que la voie rapide est la meilleure (...). Mieux vaut en finir rapidement avec cette difficile période d'adaptation, pendant laquelle les gens sont appelés à se serrer la ceinture. De plus, l'expérience montre qu'un processus rapide de privatisation – colonne vertébrale de la réforme – profite à l'économie tout entière. » Le chômage n'est que de 2,6 %, ce qui est extrêmement bas comparé aux autres pays de la région. Le problème reste l'inflation, qui tourne autour de 10 %.

La liquidation du régime communiste

Le Parlement vote le 9 juillet une loi sur « l'illégalité du régime communiste (1948-1989) et sur la résistance à ce régime », entrée en vigueur en août 1993. Cette loi stipule solennellement que les menées et les crimes communistes commis contre des citoyens et des institutions tchécoslovaques sont imprescriptibles. Elle institue également le principe de réparation des torts faits aux citoyens par le pouvoir communiste. Elle ouvre largement le champ aux revendications, y compris celles de l'Église catholique, qui a été totalement privée de tous ses biens, ce qui ouvre le débat sur l'envergure du recouvrement de sa propriété. L'année 1993 représente donc une période de rétablissement et de normalisation des relations traditionnellement difficiles entre l'Église catholique et l'État.