Océanographie

Le renouveau de trois thèmes de recherche s'est précisé en 1993.

Les dorsales en expansion lente. Dans l'Atlantique nord, avec les plongées en submersibles profonds (Nautile, campagne « Kanaut » en février ; Alvin, campagne « Lucky Strike » en août) et les levés géophysiques transatlantiques (campagne « TAG » : Trans-Atlantic Geotraverses), préparatoires aux forages ODP (voyage ODP 153, programmé pour décembre-janvier 1994). Dans l'océan Indien et les mers ouest-Pacifique, avec les levés géophysiques de l'Atalante sur la diagonale Afrique australe-Indonésie (campagne « Capsing » en mars-avril).

Les monts sous-marins (guyots) et leurs plates-formes sommitales carbonatées (atolls) ont vu leur origine remise en cause par les étonnants résultats des forages ODP.

Les mers polaires où les recherches ont renoué avec l'exploration en conditions « extrêmes » tout en renouvelant les méthodes. Dans les mers arctiques : régime des glaces flottantes (polynies et banquises des parages du Groenland) et étude de la structure profonde (mer des Tchouktches et forages ODP à l'est du Groenland) : voyage ODP 151, août-septembre 1993 (paléo-environnement du détroit séparant le Groenland et la Scandinavie) et 152, octobre-novembre 1993 (ouverture et volcanisme de l'Atlantique nord et structure de la marge est-groenlandaise). Côté mers antarctiques : travaux de la station dérivante américaine ISW 1 (Ice Station Weddell 1) sur le champ des vents, la dérive tournante et compressive des glaces et la plongée stratifiée des eaux en mer de Weddell.

Quand le Pacifique s'agite

Depuis la fin de 1992, on enregistre une nette recrudescence des séismes violents (magnitude supérieure à 7) et des tsunamis dévastateurs (raz de marée s'élevant entre 15 et 30 m) au Nicaragua (septembre 1992), sur l'île de Flores (est de l'Indonésie, décembre 1992) et surtout au sud-ouest de Hokkaido (mer du Japon, juillet 1993). Ces deux derniers cataclysmes se sont révélés très semblables par leur localisation (bordure d'une mer marginale), leurs mécanismes et leur gravité : le tsunami qui a balayé les côtes de Hokkaido serait un des plus grands de l'histoire du Japon.

Un double exploit

Tout d'abord, le « Global Sea Level Program » : une nouvelle carte topographique de la surface maritime (mers polaires exclues) a pu être dressée six mois seulement après le lancement du satellite franco-américain Topex-Poséidon. De plus, le « trou » le plus profond du monde a été achevé. Dans l'est du Pacifique, le huitième et dernier approfondissement du puits Joides 504-B a atteint, à 2 km sous le fond, le complexe filonien qui coiffe la « chambre magmatique » placée sous la dorsale. Une opération exceptionnelle qui apporte des renseignements inestimables sur le soubassement des dorsales océaniques et la source de l'hydrothermalisme abyssal.

La « marée du siècle » (9-10 mars), avec un coefficient de 119 (le maximum étant à 120), renouvelant pour la seconde fois du siècle celui du 14 mai 1918, n'a pas eu les effets spectaculaires prévus en raison de la faiblesse des vents sur l'Europe atlantique.

La Coopération ouest-est en mer Noire, premier résultat du programme COMSBlack (Coopérative marine sciences for the Black sea), a pour objectif l'étude de l'évolution de l'environnement (300 stations hydrologiques et biologiques) depuis la catastrophe de Tchernobyl.

Disparition d'un pionnier

John Tuzo Wilson (1908-15 avril 1993), géophysicien canadien, défenseur et théoricien du concept d'expansion des fonds marins. En décembre, l'océanographe André Guilcher disparaissait à son tour.

Les marées noires ne seraient pas aussi dramatiques qu'on le pense, tel est le verdict nouveau des experts : si elles peuvent être catastrophiques pour certains peuplements marins (notamment les colonies d'oiseaux de mer), elles n'ont qu'un impact limité : l'océan est un réservoir immense, ce qui permet aux organismes de recoloniser rapidement les zones polluées. Par ailleurs, les marées noires ne sont responsables que de 20 % des hydrocarbures rejetés en mer, loin derrière le lavage sauvage des cales et les opérations de chargement et de déchargement.

Jean-René Vanney
Professeur à l'université de Paris-IV