Journal de l'année Édition 1994 1994Éd. 1994

Nicolas Witkowski

Einstein revisité

Le prix Nobel de Physique 1993, décerné aux Américains Joseph Taylor (professeur de physique) et Russel Hulse (chercheur au laboratoire de physique des plasmas), tous deux de l'université de Princeton, couronne des travaux sur les ondes les plus imperceptibles qui soient. Les ondes gravitationnelles, émises par les corps massifs en mouvement (voir Journal de l'année 1991), sont la dernière prédiction non confirmée de la célèbre théorie de la relativité générale, formulée par Einstein en 1916. Taylor et Hulse ont donné une preuve très indirecte de leur existence en étudiant le mouvement d'un pulsar, ces étoiles en fin de vie, extrêmement denses, considérées comme de véritables radiophares de l'espace ; plus précisément, ils ont observé une véritable curiosité cosmique, un pulsar constitué de deux étoiles très massives tournant l'une autour de l'autre, à quelque 16 000 années-lumière de la Terre. En étudiant les perturbations de l'orbite suivie par ce pulsar, les deux chercheurs sont parvenus à démontrer, après quatre années d'effort, que les calculs théoriques issus de la théorie de la relativité générale concordaient, à un demi pour cent près, avec leurs propres calculs empiriques. La détection directe de ces ondes d'espace-temps, induisant sur leur passage d'infimes déformations de l'espace, sera envisageable dès la mise en service des gigantesques interféromètres laser (3 km de longueur) actuellement en constitution. Si elle s'avère possible, un troisième prix Nobel sera (indirectement) décerné à Albert Einstein d'ici à la fin du siècle.

Bouleversement du génie génétique

Le prix Nobel de chimie a récompensé les travaux de deux chercheurs : l'Américain Kary B. Mullis a mis au point une technique de multiplication, en plusieurs millions d'exemplaires, de segments isolés d'ADN, cette molécule qui contient le patrimoine génétique des cellules. Cette méthode est déjà utilisée pour diagnostiquer certaines infections virales comme le sida, ou pour localiser les modifications génétiques à l'origine de certaines maladies héréditaires.

Le second lauréat est le Canadien Michael Smith qui a découvert comment modifier le « code » d'une molécule d'ADN (ce qui se passe parfois spontanément dans la nature, et qui donne naissance, par exemple, à des cellules cancéreuses). Ces travaux sur la mutagénèse, qui permettent de mieux comprendre le fonctionnement intime des cellules, peuvent donc eux aussi avoir de nombreuses applications pratiques.