Signé le 14 octobre, après des négociations laborieuses, par René Teulade, ministre des Affaires sociales, les caisses nationales d'assurance-maladie et les syndicats de médecins, cet accord reste en retrait par rapport aux intentions initiales du gouvernement, qui a dû accepter d'édulcorer son projet. Même très atténué, ce compromis heurte les milieux médicaux ; le 19 octobre, Jacques Beaupère est contraint de quitter la présidence de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) pour être remplacé en novembre par le docteur Claude Maffioli, qui déclare toutefois après son élection que les médecins doivent « accepter de prendre en compte les nécessités économiques ».

Jean-Michel Normand, Les Mains dans le cambouis, Régine Deforges, 1992.
Jean Terquem, Les Médecins dans la société française, Économica, 1992.

Anne-Marie Gaudin
Journaliste au Quotidien du Médecin

Syndicats

La France continue d'être le pays le moins syndiqué des 24 pays de l'OCDE. Un sondage récent indique que 65 % des salariés français ne se reconnaissent pas dans les syndicats. Même si Marc Blondel estime qu'« il n'y a pas de nouveau syndicalisme à construire », les grandes centrales doivent rénover leurs pratiques et améliorer leurs capacités d'écoute. La CGT, la première centrale syndicale de l'Hexagone, ne compterait qu'un peu plus de 600 000 adhérents quand en janvier Louis Viannet, un ancien postier, remplace Henri Krasucki arrivé à l'âge de la retraite, au poste de secrétaire général. En avril, Marc Blondel est réélu secrétaire général de Force ouvrière avec 98 % des voix malgré l'opposition au sein de son organisation que suscite sa position très critique à l'égard du traité de Maastricht. FO avec 12,8 % des voix lors des élections des comités d'entreprise est la troisième organisation syndicale derrière la CGT (24,9 %) et la CFDT (19,9 %).

À la CFDT, Jean Kaspar est également réélu en avril au poste de secrétaire général pour un nouveau mandat de trois ans. Mais, six mois plus tard, c'est la crise, inattendue : Jean Kaspar est remis en cause, alors que la CFDT est sans doute le syndicat qui, toutes proportions gardées, se porte le mieux en France. Le 20 octobre, au nom de la sauvegarde de l'organisation syndicale, Jean Kaspar tire les conclusions de ce qui apparaît comme une crise de confiance au sein de son état-major : il se retire ; Nicole Notât, institutrice présentée comme la fille spirituelle d'Edmond Maire, le remplace. L'échéance des élections prud'homales, début décembre, étouffera d'éventuels débats sur cette prise de pouvoir.

Une première dans l'histoire syndicale européenne : la quasi-totalité des syndicats de cheminots des douze pays de la Communauté, plus la Suisse et l'Autriche, organisent une action commune le 27 octobre. Un geste unitaire pour alerter les instances européennes sur les risques sociaux de la privatisation des chemins de fer. À la surprise des organisateurs eux-mêmes, le mouvement est bien suivi.

Marc Blondel, secrétaire général de FO, en avril 1992 : « révolutionnaire dans ses aspirations, réformiste dans sa pratique, c'est ainsi que notre syndicalisme sera moteur de l'Histoire ».

Les élections prud'homales du 9 décembre ont été marquées par une abstention record (60 %). La CGT demeure en tête, avec 33,3 % des suffrages (mais recule de plus de 3 points), devant la CFDT, 23,8 % (qui progresse d'un petit point), et FO, 20,5 % (stable). La désaffection des salariés pour les organisations syndicales ne cesse d'augmenter (même si, paradoxalement, ils sont de plus en plus nombreux à faire appel aux conseils de prud'hommes).

Conflits

Enfin, dans cette année sociale lourdement chargée, plusieurs conflits éclatent, symboliques dans leurs origines et leurs règlements de l'importance des corporatismes.

Celui des routiers d'abord, qui protestent contre l'entrée en vigueur du permis de conduire à points le 1er juillet, destiné à améliorer la sécurité routière : ils paralysent les routes pendant neuf jours, au moment des départs en vacances. Confrontés à une coordination d'où émergent deux figures, Tarzan et Nanar, les pouvoirs publics négocient une adaptation du permis aux routiers et, avec les syndicats, une amélioration de leurs conditions de travail. Les barrages auront coûté des milliards de francs à l'économie française.