Amérique latine : la confirmation démocratique

En Amérique latine, l'année du cinquième centenaire de la rencontre de l'Ancien et du Nouveau Monde vient confirmer, sur le plan politique, le processus, entamé dans les années 1980, caractérisé par la mise en place ou la confirmation de régimes démocratiques.

Pauvreté

Réunis à Managua le 5 juin, les chefs d'État d'Amérique centrale ont déploré la persistance dans leur pays d'une pauvreté touchant 68 % des 30 millions d'habitants de la région.

Démocratie

Du reste, plusieurs gestes illustrent, au-delà de l'anecdote, cette rupture avec un passé récent. En Argentine, c'est, afin de payer « une dette » que ce pays « avait envers l'Humanité », l'ouverture, ordonnée par le président Carlos Menem, des archives secrètes de la police et des services de renseignements concernant le séjour, facilité après la Seconde Guerre mondiale par le général Juan Perón, de milliers de criminels de guerre nazis. Au Mexique, ce sont, après l'échec du PRI, parti au pouvoir depuis 1919, lors de deux élections locales, les propos du président Carlos Salinas de Gortari, qui affirme qu'il y a « encore beaucoup à faire pour démocratiser le pays », déclaration qui permet à certains d'estimer que le PRI « a enfin appris à admettre ses défaites ».

Mais c'est surtout le Brésil qui offre, à l'Amérique latine de 1992, une belle leçon de démocratie : la destitution légale du président Fernando Collor de Mello, mis en cause dans une vaste affaire de corruption alors qu'il avait été notamment élu pour moraliser la vie publique, témoigne en effet de la maturité politique d'un pays où le peuple est descendu en masse dans la rue pour demander que justice soit faite, et où le pouvoir législatif a su faire montre de son indépendance.

Brésil

Le 24 mai 1992, le frère du président brésilien Fernando Collor de Mello accuse publiquement celui-ci de corruption et détournement de fonds publics. Le chef de l'État annonce qu'il va poursuivre son frère en justice... Quatre mois plus tard, l'affaire de famille est devenue une affaire d'État : le 29 septembre, les députés brésiliens votent à une très large majorité l'ouverture de la procédure de destitution du président, dont le mandat devait normalement s'achever le 1er janvier 1995.

Brasil novo

Élu en 1989 (et entré en fonction le 1er mars 1990) sur un programme faisant, afin de créer un « Brasil novo », la part belle à la modernisation du pays et, surtout, à la moralisation de l'État et à la lutte contre la corruption ( !), F. Collor avait mis en œuvre après sa nomination une politique néolibérale qui avait accentué les graves inégalités sociales et malmené l'administration publique sans pour autant parvenir, compte tenu de l'échec des deux sévères plans de stabilisation de mars et mai 1990, à juguler l'inflation, la récession de l'économie et la montée du chômage. Alors que plusieurs de ses collaborateurs sont soupçonnés de corruption, le président, au début de mai 1992, décide de remplacer son équipe gouvernementale, démissionnaire à sa demande, et dont plusieurs membres ne présentaient pas l'image d'une totale intégrité.

Mais, quelques jours après la mise en cause du chef de l'État, une commission d'enquête parlementaire est constituée. Le 24 août, elle rend public un rapport, accablant pour le chef de l'État, qui établit l'existence d'un vaste réseau de recyclage de fonds secrets, « incompatible avec la dignité, l'honneur et la fonction de chef de l'État », organisé au bénéfice du président et de ses proches, par Paulo César Farias, l'ancien trésorier de sa campagne électorale.

Manifestations

Dans les semaines qui suivent, tandis que les chambres ne légifèrent plus, que l'activité économique pâtit de la crise et que s'enlisent les négociations sur la dette menées dans le cadre du plan Brady, les défections de gouverneurs et de ministres se succèdent parmi les derniers partisans de F. Collor, qui tente de mobiliser les foules brésiliennes en sa faveur. Mais, lors des manifestations qui se déroulent, notamment à Brasilia, Sao Paulo et Rio de Janeiro, le noir, couleur de deuil, submerge aisément le vert et le jaune, les couleurs nationales, arborées par les partisans du président.