Philippines

Un événement a mobilisé les énergies et les débats au cours de l'année écoulée : la succession de la présidente Corazon Aquino. À la suite des élections présidentielles du 11 mai, les plus libres qu'aient connues les Philippines depuis leur indépendance, l'ex-général Fidel Ramos a été élu à la tête de l'État. Militaire de carrière, protestant, dans un pays largement catholique, et ayant été l'un des chefs de la rébellion militaire qui chassa Ferdinand Marcos du pouvoir en février 1986, il apparut par la suite comme l'arbitre des équilibres entre le gouvernement et l'armée. C'est en grande partie grâce à lui que Mme Aquino demeura à la présidence malgré sept putschs militaires.

Désenchantement

Ces élections furent aussi l'occasion pour les Philippins de faire un bilan des six années de présidence Aquino. Leur choix sans grand enthousiasme (M. Ramos a été élu avec 23,5 % des suffrages exprimés) fut dicté par des espérances d'une reprise en main d'un pays qui, tant sur le plan social qu'économique, a connu une dérive certaine.

Après vingt ans de dictature Marcos, Mme Aquino avait été portée au pouvoir par une volée d'espoirs, mais rapidement, les Philippins ont compris que la seule vertu de la liberté n'était pas suffisante pour améliorer leurs conditions de vie. Les votes qu'a mobilisés une des candidates, Mme Miriam Defensor-Santiago, qui pourfendait la corruption, la paresse de l'oligarchie et de la bureaucratie avec une démagogie proche du « charlatanisme politique », ont été révélateurs d'un malaise certain.

Gâchis économique

Lorsque Mme Aquino a quitté le pouvoir, son taux de popularité était au plus bas. Sur le plan économique et social, les signes du sous-développement s'étaient aggravés et contrastaient d'autant plus avec la croissance de voisins d'un pays qui, dans les années 1960, passait pour l'un des plus prometteurs. Les revenus des deux tiers des familles n'avaient pas augmenté en termes réels depuis 1980. Les Philippines ont certes été victimes aussi de catastrophes naturelles (typhons et éruption du Pinatubo en juin 1991, qui accéléra la décision de Washington de fermer ses bases militaires de Clark et de Subic Bay), mais la faillite du pouvoir n'en était pas moins évidente. Ne pouvant respecter ses engagements envers le Fonds monétaire international pour rembourser sa dette (15 milliards de dollars), Manille dut en outre accepter un plan d'austérité qui s'est révélé excessif.

L'élection de M. Ramos a donc été ressentie comme une promesse. Elle a surtout démontré un rejet des politiciens traditionnels (ceux que la presse nomme les trapos). Autre évolution : celle de la gauche. La vitalité d'une multitude de petites organisations qui animent des mouvements sociaux divers, et dont certaines ont, notamment, soutenu la candidature à la présidence du sénateur Jovito Salonga, l'une des grandes figures du nationalisme philippin, contraste avec une absence de perspectives politiques nationales unifiées. La gauche révolutionnaire a peu pesé sur le scrutin de mai 1992. Dès son arrivée au pouvoir, M. Ramos a promis un retour à l'ordre, et notamment une lutte sévère contre la criminalité. Il a d'autre part promis une amnistie générale et la légalisation du Parti communiste (par l'abrogation de la loi de 1957), à condition que la New People's army, bras armé du PC, les soldats rebelles et les séparatistes musulmans rendent les armes. Il y a actuellement encore 641 détenus politiques aux Philippines.

Redéfinir les alliances

En matière diplomatique, l'une des premières tâches du nouveau président sera de redéfinir les relations avec le grand allié (et ancien colonisateur) américain. M. Ramos a clairement affirmé que les Philippines, qui, en septembre 1991, ont refusé de signer un nouveau pacte sur les bases militaires américaines sur leur sol, n'entendent pas pour autant être isolationnistes. Il compte, en outre, resserrer les liens avec les voisins asiatiques, à commencer par le Japon.

Philippe Pons