La première application de ces nouvelles dispositions fut l'envoi de troupes japonaises au Cambodge. En octobre, pour la première fois depuis la guerre, des uniformes japonais ont réapparu en Indochine.

Bien qu'il ait des difficultés à se dégager des restes de la guerre froide (la visite annulée au dernier moment du président Eltsine à Tokyo, en septembre, en raison de la persistance du différend sur les Kouriles en est un exemple), le Japon a cependant opéré au cours de l'année écoulée un net retour sur la scène asiatique. Le rétablissement, en novembre, de l'aide gouvernementale au Viêt Nam, suspendue à la suite de l'invasion vietnamienne du Cambodge en 1978, et surtout, le mois précédent, le voyage en Chine de l'empereur Akihito sont symptomatiques de cette orientation. La visite du monarque, pour symbolique qu'elle ait pu paraître, n'en avait pas moins une évidente dimension politique. Pour le Japon, d'un approfondissement des liens avec la Chine dépend l'équilibre d'une région qui, contrairement à l'Europe, ne dispose d'aucune organisation stabilisatrice. Au cours de sa visite, l'empereur a exprimé de « profonds regrets » pour le passé, qui ont paru satisfaire les dirigeants chinois mais sont loin d'avoir cicatrisé les plaies laissées par la guerre. Le drame, qui a refait surface au début de l'année, des « femmes du réconfort », ces Asiatiques contraintes par l'armée japonaise à se prostituer pendant la guerre, est symptomatique de ces séquelles d'un passé qui n'a jamais été véritablement éclairci et reste une hypothèque pour toute initiative politique nippone sur la scène régionale.

En quête d'un rôle international auquel le convie sa puissance économique, mais qui soit compatible avec les contraintes de sa Constitution pacifique, le Japon a néanmoins cherché à définir ce que pourraient être les actions de cette grande « puissance civile » qu'il aspire à être. À la conférence de Rio sur l'environnement, il a notamment manifesté son intention d'apparaître comme une sorte de « leader vert », en tirant parti à la fois de son expérience en matière de lutte contre la pollution et de ses capacités financières. L'aide au développement est un autre domaine dans lequel le Japon voudrait faire sentir son poids de grande puissance civile : dans le Livre blanc sur l'aide publié en octobre, le gouvernement affirme qu'il entend tenir compte, dans l'octroi de son assistance, du respect des droits de l'homme et des dépenses en armement. Le Japon, qui est le premier bailleur de fonds pour les pays en voie de développement (en terme de volume mais non de pourcentage du PNB, qui reste faible : 0,32 %), a consacré 50 milliards de dollars à l'aide au développement au cours des cinq dernières années. Cette tentative de « moraliser » son aide suscite un certain scepticisme compte tenu des intérêts bien compris du Japon, notamment dans la région.

Chine-Japon

Sans se faire d'illusion sur le marché chinois, les Japonais développent considérablement leurs liens économiques avec le continent. En matière d'échanges, l'augmentation est substantielle : de 1,1 milliard de dollars en 1972, ils dépasseront en 1992 les 25 milliards. Le Japon a, d'autre part, consenti pour 1 600 milliards de yens en prêts à la Chine. Les industriels restent néanmoins prudents en matière d'implantation (3,4 milliards de dollars, soit 1,6 % du total des investissements japonais à l'étranger).

« Femmes du réconfort »

Deux cent mille femmes, essentiellement coréennes et chinoises de Taïwan, ont été contraintes à se prostituer par l'armée impériale. À la suite de la découverte, dans les archives militaires, de documents établissant la responsabilité du commandement de l'armée, le gouvernement a dû, en janvier, admettre les faits. Ce problème embarrasse doublement Tokyo : d'une part, parce qu'il avive les ressentiments dans la région et, en outre, parce qu'il pourrait conduire à réouvrir le dossier de l'indemnisation des victimes de l'agression japonaise.

Sida

Par crainte du sida, le Japon refuse à nouveau de légaliser la pilule contraceptive.

Karoshi, c'est « la mort par le travail », que craint un Japonais sur deux.

Scandales et paralysie politique

À peine arrivé au pouvoir en octobre 1991, le Premier ministre Miyasawa, dont on attendait qu'il fasse preuve de plus d'initiative que son prédécesseur, le faible M. Kaifu, a été paralysé par des scandales politiques qui, sans le toucher directement, ont sérieusement affaibli le plus important clan du parti libéral démocrate, celui de l'ancien ministre Takeshita, qui constitue son principal soutien. Le scandale Sagawa Kyubin a notamment conduit en septembre le « parrain » du jeu politique, M. Shin Kanemaru, président du clan Takeshita, à se retirer de la vie politique. Ce scandale est emblématique de la pratique du pouvoir au Japon : politiciens, truands et entrepreneurs sans scrupules sont les protagonistes d'une affaire qui dépasse en ampleur celles qui l'ont précédée. Outre des membres éminents du parti conservateur, plusieurs politiciens de l'opposition sont mêlés à ce scandale qui a paralysé pendant de longues semaines les débats parlementaires. L'affaire pourrait avoir comme conséquence la division du clan Takeshita, c'est-à-dire de la force dominante au sein du parti libéral démocrate depuis vingt ans, et conduire à un réalignement des forces conservatrices.