L'année commence sur un formidable signe d'espoir. Pour la première fois depuis l'arrivée des Hollandais au Cap, en 1652, des représentants de l'opposition noire et du pouvoir blanc se réunissent au sein d'une Conférence pour une Afrique du Sud démocratique (CODESA) en vue d'élaborer la constitution d'une Afrique du Sud débarrassée de l'apartheid.

Population totale : 38,5 millions, dont 29 millions d'Africains et 5 millions de Blancs.

Les principaux mouvements politiques du pays y participent, à l'exception des extrémistes de droite et de gauche. Pour marquer l'importance de cette conférence, ils ont rédigé au mois de décembre 1991 une déclaration d'intentions qui ne laisse, apparemment, aucun doute : l'Afrique du Sud sera un État uni, démocratique et non racial, où les droits de chaque individu seront protégés par la loi. Même le retrait des négociations du leader zoulou de l'Inkhata, Gatsha Buthelezi, début février, pour protester contre sa marginalisation face au rapprochement des positions de Frederik De Klerk et Nelson Mandela, ne semble pas menacer le processus engagé.

Mangosuthu Buthelezi

« Chef-ministre » du bantoustan du Kwazulu, Gatsha Buthelezi, 64 ans, est aussi leader de l'Inkhata Party, un parti conservateur qui se veut le défenseur de la nation zoulou. Seul interlocuteur noir reconnu par le gouvernement à l'époque du président Botha, farouchement hostile à l'ANC, il refuse d'être évincé au profit de Nelson Mandela. Chef d'un parti régional né de l'apartheid, il cherche par tous les moyens, y compris une alliance avec l'extrême droite blanche et l'usage de la violence, à s'imposer aux négociations comme leader national, malgré le faible soutien de son mouvement dans le pays (environ 10 %).

Le 19 février, l'échec du Parti national au pouvoir lors d'une élection partielle contre le Parti conservateur blanc d'Andries Treunicht, décide cependant le président sud-africain à organiser un référendum au sein de la communauté blanche, le 17 mars, pour tester le soutien dont il bénéficie dans la poursuite des négociations avec l'ANC.

Andries Treunicht

Leader du Parti conservateur, un mouvement né d'une scission avec le Parti national en 1983, Andries Treunicht, 71 ans, est partisan d'un retour à un système d'apartheid pur et dur. Surnommé « le Docteur no », il s'est toujours opposé à un compromis avec les mouvements noirs. Grand perdant du référendum de mars, son parti reste le plus important concurrent du Parti national au Parlement.

La large victoire du « oui » à la question : « soutenez-vous les réformes engagées par le président De Klerk depuis son arrivée au pouvoir ? » provoque une véritable euphorie dans l'opinion internationale, qui y voit un gage de bonne volonté, malgré les critiques de l'ANC, hostile à un référendum réservé aux Blancs.

Fin politique, le président De Klerk ne manque pas de célébrer ce succès comme la fermeture définitive du « livre de l'apartheid », laissant entendre que l'heure du partage du pouvoir avec la majorité noire est proche. Ce discours encourageant masque cependant légèrement la réalité. Car, si la plus grande part de la communauté blanche a effectivement approuvé le processus de négociations engagé par Frederik De Klerk, rien n'indique qu'il s'agit d'un mandat pour céder le pouvoir aux Noirs. C'est dans cette nuance qu'a résidé l'essentiel du blocage des négociations entre le Parti national et le Congrès national africain au cours des mois suivants.

Fort du soutien des Blancs, Frederik De Klerk adopte une attitude plus ferme à l'égard de l'ANC. En mai, lors de la seconde session de la CODESA censée fixer les modalités d'adoption de la future Constitution, il exige un minimum de 75 % des voix pour l'approbation des nouvelles institutions au sein de l'Assemblée constituante. Une proposition qui vise, de facto, à éviter la prise du pouvoir par un seul parti représentant la majorité noire. Le mouvement de Nelson Mandela, qui, au départ, refusait de monter au-dessus de la barre des 66,6 %, pour empêcher la minorité blanche de disposer d'un droit de veto, accepte finalement de monter jusqu'à 70 % (et 75 % pour la partie consacrée aux droits des citoyens). Mais le gouvernement réclame, en plus, la création d'un sénat élu sur une base régionale et ethnique, disposant d'un droit de veto sur les décisions de l'Assemblée constituante élue au suffrage universel.