Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Barcelone 92
XXVe jeux Olympiques d'été

Au soir de la cérémonie de clôture des Jeux d'Albertville, répondant aux questions des journalistes de la presse internationale qui l'interrogeaient sur les prochains Jeux d'été, Juan Antonio Samaranch affirmait : « Ces Jeux seront ceux d'un monde nouveau. » Le président du Comité international olympique n'avait pas tort. Barcelone fut cela, au-delà même de ce qu'il pouvait envisager.

Nouveau, comme prévu, le paysage avec une URSS défunte, une Allemagne unifiée et, ipso facto, une RDA rayée de la carte. Avec également le retour au sein de la famille olympique de l'Afrique du Sud et de Cuba représentée, qui plus est, par son président Fidel Castro, venu en Espagne effectuer un pèlerinage sur la terre de ses ancêtres. Mais nouvelles aussi, ces nations qui ne cessent de progresser, au premier rang desquelles la République populaire de Chine, chef de file d'une Asie toujours plus performante. Nouveaux, ces visages qui, dans tous les sports, ont surgi aux dépens de vedettes vieillissantes ou dépassées. Nouvelle enfin, l'omniprésence absolue de la télévision, maîtresse des lieux.

172 pays et plus de 10 000 athlètes ont participé aux jeux Olympiques de Barcelone. Un record !

Milliards

Pour accueillir les Jeux, Barcelone a investi 41 milliards de francs, l'équivalent de deux Euro Disneyland. Le seul « périph » barcelonais a coûté près de 8 milliards de francs.

Dopage

Seule réduction sensible par rapport à Séoul : le nombre de cas de dopage avéré. Sur les 1 990 tests supervisés par les services médicaux, seuls cinq se sont révélés positifs à Barcelone, contre quatorze il y a quatre ans.

Trois kilos de fruits par personne, 88 000 appels téléphoniques, 7 000 préservatifs, 95 tonnes de viande, 700 000 petits pains, 130 000 œufs et 665 773 repas servis, tel est le petit inventaire éclectique de la consommation de la famille olympique, athlètes et officiels confondus.

Universel

À Barcelone, l'élite sportive s'est universalisée. 37 pays ont ainsi obtenu au moins un titre contre 31 en 1988, 26 en 1976 et 25 en 1972.

CEI

Mais en attendant les retombées de cette évolution, tout le monde ou presque pensait cette fois que les États-Unis allaient prendre sans peine la direction d'un univers du sport remodelé. Ne restaient-ils pas le seul grand bloc présent ? Eh bien non ! Il n'en fut rien, puisque contre toute attente, c'est la CEI démembrée, ruinée qui terminait en tête au classement des nations avec 112 médailles dont 45 d'or. Cette suprématie traduit cependant un sensible recul par rapport à Séoul : 20 médailles en moins et 10 titres perdus, notamment dans les disciplines où les anciens de l'URSS ont été laminés : aviron, cyclisme, football, voire voile. Mais, d'ores et déjà sans privilèges d'État, anxieux pour leur avenir civil, les ex-Soviétiques cherchent le salut dans la sponsorisation ou dans l'exil.

Avec 6 médailles d'or, le gymnaste biélorusse Vitaly Scherbo a rejoint dans l'histoire la nageuse allemande Khristin Otto. Mais le record est toujours détenu par Mark Spitz avec 7 titres gagnés en 1972 à Munich.

La délégation de la CEI, forte de 500 participants, comptait dans ses rangs : 280 Russes, 80 Ukrainiens, 57 Biélorusses, et 43 membres des républiques de l'Asie.

États-Unis

Classés deuxièmes malgré un contexte très favorable, les Américains espéraient mieux que leurs 108 médailles, dont 37 d'or, la plupart gagnées en athlétisme et en natation. Mais l'extraordinaire performance de leur première sélection de basket-ball, opérée au sein de la ligue pro de la NBA, montre à quel niveau d'excellence les États-Unis pourraient prétendre s'ils se donnaient partout les mêmes moyens d'exprimer leur véritable puissance. En réalité, mise à part la natation, c'est tout le sport amateurs des États-Unis qui se trouve en danger. Dans les disciplines sans moyens financiers et sans profit immédiat pour les vedettes, on a en effet assisté à une déperdition de potentiel inquiétante. Mais comment créer une ligue pro viable dans tout ou partie des sports olympiques ? C'est impossible car, sur un marché aussi exigeant, cela ne se « vendrait » pas. Dans la perspective d'Atlanta, aux dirigeants américains d'en prendre conscience.

Plumb

Le cavalier américain Michaël Plumb (52 ans) a participé à ses 7e Jeux. Avant Barcelone, il s'était présenté au concours complet des Jeux de Rome, de Tokyo, de Mexico, de Munich, de Montréal et de Los Angeles. Cette carrière d'une exceptionnelle longévité lui a déjà rapporté deux médailles d'or et trois d'argent.

Kersee

En trois jeux Olympiques, de Valerie Brisco à Gail Devers en passant par Jackie Joyner et Florence Griffith, les beautés « blacks » entraînées par Bob Kersee ont remporté 14 médailles d'or. Mais l'homme qui a tant de succès auprès des femmes doit se battre contre les rumeurs de dopage.

Allemagne

Avec 81 médailles dont 33 d'or, l'Allemagne unie a complété le tiercé gagnant. Son résultat est pourtant inférieur à celui de la seule RDA à Séoul : 102 médailles dont 37 d'or. La régression est importante puisque la RDA et la RFA avaient totalisé 142 médailles en 1988 dont 48 d'or. L'addition, qui ne pouvait être automatique, s'est traduite par une soustraction. La lutte antidopage y est pour quelque chose : voir les contre-performances de certaines lanceuses ou de championnes olympiques ou du monde encore jeunes. Il n'empêche que l'Allemagne reste une force avec laquelle il faudra compter, mais qui tendra à devenir peau de chagrin sans la détection systématique et la préparation biologique des talents de l'Est.

Krabbe

Suspendue pour quatre ans par la Fédération allemande d'athlétisme pour contrôle positif au Clenbutérol, la double championne du monde de sprint, Katrin Krabbe, ne participait pas aux Jeux.

Chine

Conquérante en 1984 à Los Angeles en l'absence de l'URSS et de la RDA, la Chine était rentrée dans le rang à Séoul. Cette fois, les Chinois sont passés en quatrième position avec 16 victoires et 54 médailles remportées dans 14 disciplines différentes. La natation (14), la gymnastique (8), le tennis de table (6) ont été leurs principaux pourvoyeurs de podiums, mais ils se sont également montrés compétitifs en aviron, en judo, en tir, en athlétisme et même en voile. Une telle réussite n'a pas suscité que des commentaires positifs. Les références à l'encadrement, comprenant des anciens entraîneurs de la RDA, un cas de dopage en volley-ball, des nageuses « armoires à glace », une politique de haut niveau rappelant celles des anciennes démocraties populaires, la volonté d'user de tous les moyens pour vaincre, conduisent à des interrogations. Dans quatre ans, à Atlanta, la Chine visera les 100 médailles dont 30 d'or. Elle sera la grande curiosité sportive de la fin du siècle.

15 ans

Avec son mètre 36 et ses 30 kilos, la Chinoise Li Lu (15 ans) défie les normes humaines. Elle est pourtant championne olympique aux barres asymétriques et médaille d'argent à la poutre.

Afrique

On avait cru que ce rôle serait tenu par les Africains. Mais non ! À part les étonnants coureurs du Kenya, du Maroc, de l'Algérie et de l'Éthiopie, c'est le désert. L'Afrique est absente dans tous les autres sports. Mais il est bien évident que, déchiré par des crises politiques et des catastrophes écologiques, ce continent a d'autres priorités que de briller aux Jeux. Avec une exception : l'Afrique du Sud, qui a parfaitement réussi son retour parmi l'élite avec deux médailles d'argent, dont celle, historique, d'Elena Meyer, sur 10 000 mètres.

Africaine

Grâce à la victoire sur 10 000 m de l'Éthiopienne Derartu Tulu (20 ans), l'Afrique noire a remporté sa première médaille d'or olympique féminine.

Espagne

L'exploit collectif de ce rendez-vous olympique est finalement à mettre au crédit du pays organisateur. Depuis son entrée dans le mouvement en 1900, l'Espagne n'avait remporté que quatre titres contre 154 à la France, par exemple. À Barcelone, elle a totalisé 22 médailles dont 13 d'or (6e rang mondial). Pour la première fois, le sport espagnol s'était doté d'un système coordonné et les résultats ont dépassé les espérances.

France

Comme ceux de la France, qui, avec 29 médailles dont 8 d'or, a égalé son meilleur total de l'histoire moderne, réalisé aux Jeux de Londres en 1948. Au nombre de titres, elle est certes dominée par Cuba, par l'Espagne, par la Corée du Sud et par la Hongrie, seul pays de l'Est qui progresse alors que la Bulgarie et la Roumanie disparaissent, mais elle distance l'Australie, le Canada, le Japon et surtout l'Italie et la Grande-Bretagne, ses adversaires traditionnels dont les élites sont moins diversifiées.