L'exposition universelle de Séville

La dernière Exposition universelle du siècle est placée sous le signe des découvertes. Ouverte le 20 avril, elle ferme symboliquement ses portes le 12 octobre, date anniversaire de la découverte de l'Amérique par Colomb. Greffe sur la Séville éternelle, le site technologique de l'Exposition est lui aussi un « autre monde ». Microcosme du futur, l'Expo 92 réunit 111 nations soucieuses de confronter, dans des mises en scène de qualité inégale, le meilleur de leur production industrielle et culturelle. Fidèle à la tradition, l'Exposition universelle de Séville se veut le miroir des avancées technologiques du monde. Elle décline pour cela les trois credo médiatiques de notre époque : technologie, écologie et communication.

Le monde de l'image

À Séville, la technologie se donne en spectacle. On recense ainsi pas moins de 9 Omnimax, système de projection géante popularisé en France par la Géode. Le pavillon français renferme d'ailleurs un « puits à images » de 17 mètres. Hologrammes, maquettes (celle de Paris à travers les âges, celle de Séville au xvie siècle...) ou reproductions grandeur nature (caravelles du Nouveau Monde...) sont convoqués pour faire de la simulation une des caractéristiques de cette exposition.

Entre pédagogie et divertissement : « Diderot chez Disney »

Chaque pays ne manque pas de sacrifier au rituel touristique du folklore national. Une grande parade traverse le site chaque jour pour doter les vertus encyclopédistes de l'Expo d'une approche plus ludique. La structure composite de ce grand village nous rappelle celle des parcs d'attractions affublés, pour l'occasion, d'une ambition culturelle. Le pavillon du Vatican expose de précieux ouvrages retraçant le fabuleux parcours de la culture depuis 500 ans, et la France livre une mise en scène sophistiquée de Richard Peduzzi sur l'histoire du livre (« le Livre du Monde »). L'art est aussi particulièrement présent, si l'on en juge au nombre d'expositions temporaires ou permanentes.

Une carte actualisée du monde

L'Exposition parisienne de 1937 avait vu s'affronter les pavillons monumentaux de l'Allemagne et de l'URSS quand celle de Bruxelles constatait le choc des deux grandes puissances rivales de la guerre froide. À Séville, les États-Unis sont en retrait, et le pavillon de la nouvelle CEI brille par sa discrétion. Le Japon, qui avait joué, en 1970, à Osaka, la carte de la domination technologique, semble se replier sur sa tradition, et l'Allemagne, nouvellement réunifiée, exhibe avec une certaine ambiguïté une parcelle du mur de Berlin. Si l'on en juge, enfin, par le kitsch du pavillon de l'Europe, cette Exposition universelle « européenne » (9 visiteurs sur 10 visiteurs sont issus de la Communauté) ne saisit pas l'opportunité de montrer l'ambition politique de la « maison commune » européenne.

Si l'innovation que l'on pourrait attendre des pavillons (dernières « folies » architecturales du xxe) n'est pas déterminante, le site de la Cartuja réserve cependant de très agréables surprises. Le pavillon japonais de l'architecte Tadeo Ando (un bâtiment dont la sobriété empruntée aux temples nippons est l'antithèse de l'euphorie futuriste) s'impose de façon magistrale. Placé sous le même signe de la tradition locale, le pavillon hongrois d'Imre Makovecz est surmonté de sept imposants et romantiques campaniles. La légèreté technologique est préférée avec subtilité par les Français (un large auvent en suspension sur quatre piliers exhibant le vide) et les Anglais (mur d'eau en façade dans le plus pur esprit high-tech britannique), sans oublier l'élégance blanche du pont de l'architecte espagnol Santiago Calatrava.

Pascal-Louis Rousseau

Les chiffres de l'Expo

42 millions de visiteurs, dont 1/3 d'étrangers. Un record de 111 nations représentées sur 215 hectares. 95 pavillons, dont 58 pavillons nationaux et 5 pavillons collectifs.