Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Europe Centrale et Orientale

Poursuite de la décommunisation, nationalisme, poussées monarchistes (Albanie, Bulgarie, Roumanie, Serbie), décomposition des structures fédérales (Tchécoslovaquie, ex-Yougoslavie), telles ont été les principales lignes de force qui ont marqué en 1992 l'Europe centrale et orientale. À cela s'ajoute l'esquisse de l'entente hungaro-polono-tchécoslovaque, dite « Triangle de Vysehrad », qui correspond à l'avance démocratique de ces États face aux autres pays de la région. Cette alliance est créée le 11 février 1992 par les présidents Vaclav Havel (Tchécoslovaquie) et Lech Walesa (Pologne), et par le Premier ministre hongrois Jozsef Antall, à Vysehrad, en Hongrie. L'objectif est de rapprocher ces trois pays et de faciliter leur entrée dans la Communauté européenne. Les relations Est-Ouest en Europe, fortement marquées par un relâchement, voire une quasi-disparition, des frontières, connaissent une nouvelle dimension avec l'exode des populations vers l'ouest (Albanais, Roumains, Tziganes, Bulgares, Ukrainiens...), exode souvent couvert par des motivations politiques sans fondement.

Pologne

La vie politique polonaise est marquée par un pluralisme politique extrême (pas moins de 150 partis) qui rend d'autant plus difficile le fonctionnement du Parlement élu fin 1991 : 30 partis y sont représentés, regroupés en 12 clubs et 6 cercles parlementaires. Trois Premiers ministres se succèdent dans l'année : Jan Olszewski, démissionnaire le 4 juin, Waldemar Pawlak (5 juin-3 juillet) et Hanna Suchocka, en place depuis le 7 juillet. Le cabinet Olszewski avait été renversé sur l'initiative du président Walesa, soutenu par l'Union démocratique de Tadeusz Mazowiecki et par plusieurs autres groupes parlementaires. On lui reprochait un acharnement excessif dans sa politique d'épuration à rencontre des anciens cadres communistes, ce qui contribuait à empoisonner toute la vie politique.

La « Petite Constitution » votée le 15 octobre, si elle est loin d'être parfaite, définit cependant un subtil partage des compétences entre le Parlement, le gouvernement et le président de la République. L'on y décèle d'ailleurs l'influence de la Constitution française.

Deux courants idéologiques et politiques dominent le pays. D'une part, les héritiers de l'orientation postcommuniste qui constituent l'un des groupes forts du Parlement, et dans le pays, d'autre part, un nationalisme se référant aux valeurs du catholicisme traditionnel polonais et qui penche parfois vers le populisme ou le fondamentalisme. La gauche non communiste et libérale (avec les chrétiens progressistes) tente de maintenir une ligne plus centriste.

Quant à la politique étrangère, la Pologne maintient de très correctes relations avec la Russie, marquées par l'accord du 22 mai ordonnant l'évacuation avant le mois de novembre des troupes russes de combat de première ligne. Les relations polono-allemandes se sont améliorées : la frontière de l'Oder-Neisse s'est largement ouverte.

Hongrie

Ce pays, proche à certains égards de la Pologne, confirme son avancée vers la transition économique, en privatisant, au mois d'août, de nombreuses entreprises et exploitations agricoles. La vie politique demeure bien loin du bouillonnement polonais et de ses centaines de partis.

Le gouvernement de coalition du Premier ministre Jozsef Antall semble en voie de réussir son pari : libéraliser l'économie, tout en respectant les règles du jeu démocratique, même si à l'occasion, notamment en matière de presse et d'audiovisuel, les changements sont difficiles. Le gouvernement s'est montré modéré dans le processus de « décommunisation ». Ainsi, la question du mode de jugement des crimes commis sous le régime communiste est tranchée en février-mars, lorsque la Cour constitutionnelle, saisie par le président Göncz, rend le jugement précisant qu'un crime commis dans le passé ne peut être jugé d'après les lois d'aujourd'hui – selon le principe lex retro non agit. Seul l'État, et non les individus, peut être considéré comme coupable. Néanmoins, les fonctions gouvernementales ne pourront être assumées par d'anciens hauts dirigeants du Parti communiste, sans pour autant que ceux-ci soient privés de droits civiques.