L'automne s'annonce sous des auspices plus difficiles. La tourmente monétaire de septembre emporte la lire, dévaluée de 7 %. Le 28, lors d'une élection municipale à Mantoue, une véritable gifle est assenée aux partis en place : la DC et le PSI perdent 50 % de leur électorat, tandis que la Ligue lombarde triomphe en doublant ses suffrages et annonce le temps des règlements de compte. À Rome, l'heure est à l'examen de conscience. Le 12 octobre, la DC se dote d'un nouveau secrétaire en la personne, réputée intègre, de Mino Martinazolli, chargé d'insuffler au parti un moral et surtout une morale renouvelés. Au PSI, le brillant et ambitieux ministre de la Justice, Claudio Martelli, se verrait bien à la tête d'une organisation pour laquelle le chef de file, Bettino Craxi, handicapé par les scandales, n'entend pourtant pas passer la main.

Déjà, on murmure que les jours du gouvernement Amato sont comptés. Dans les rues, les manifestations contre l'austérité se suivent, qu'il s'agisse de salariés conspuant les « syndicats pourris » qui ont osé apporter leur caution au plan de rigueur ou d'artisans et commerçants outrés à l'idée de ne plus pouvoir frauder et de devoir payer des impôts à une administration jugée corrompue. Du haut de son triomphe provincial, Umberto Bossi, le chef charismatique de la Ligue lombarde, défie la capitale et conseille à ses compatriotes d'investir à l'étranger plutôt que dans les titres d'un État mal géré par « Rome la voleuse ».

Réalisme

Pourtant, contre vents et marées, le gouvernement persiste dans sa volonté d'assainissement économique et financier. Le 25 octobre, il obtient l'aval du Parlement pour ses décrets-lois. Giuliano Amato peut même déclarer : « Nous sommes à un véritable tournant dont va sortir une Italie plus moderne. » La Bourse salue, par la hausse, cette détermination et les syndicats renoncent à cautionner toute nouvelle grève ou manifestation.

Le meilleur serait-il en train de sortir du pire ?

Chrono. : 2/02, 12/03, 6/04, 15/04, 23/05, 25/05, 18/06, 31/07, 6/09, 19/09, 13/10.

Margot Piazza

Grande-Bretagne

Le Royaume-Uni a sans doute traversé en 1992 une des années les plus difficiles depuis la fin de la guerre. Les sans-abri font désormais partie de la réalité quotidienne dans de nombreuses villes du pays, tandis que la classe moyenne, si choyée du temps de Margaret Thatcher, se trouve à son tour frappée de plein fouet. Le cap des trois millions de chômeurs est à nouveau en vue et, depuis la mi-1990, la croissance du PIB est restée négative. En dix ans, le nombre de pauvres (vivant avec moins de 50 % du revenu moyen) est passé de 5 à 12 millions de personnes.

Un Premier ministre jugé « faible »

Les Britanniques ont eu le sentiment que le gouvernement Major était directement responsable de leurs malheurs à cause de sa soumission face à la puissance continentale, et surtout allemande. Pour maintenir la livre sterling, le chancelier de l'Échiquier Norman Lamont a été obligé d'augmenter progressivement les taux d'intérêt de base. Or les traites immobilières sont traditionnellement libellées à taux variable. Conséquence : un million et demi de familles se sont vues dans l'incapacité de rembourser les emprunts pour leur logement alors que le prix de celui-ci s'effondrait (plus de 35 % en moyenne) du fait de la crise de l'immobilier. Pour les malheureux qui se retrouvent à la rue, le coupable, c'est l'Europe dominée par la Bundesbank, c'est aussi ce Premier ministre trop faible qui continue de croire à une intégration européenne si éloignée des traditions de ce peuple d'insulaires.

La tempête de septembre

Au printemps, le 9 avril, John Major, l'héritier un peu falot de la Dame de fer, semblait pourtant avoir gagné ses galons d'homme d'État en remportant les élections face à un parti travailliste nettement crédibilisé et recentré grâce aux efforts de Neil Kinnock. Malgré un budget en déficit de plus de 250 milliards de francs et un PIB en chute durable, les conservateurs réussissaient à convaincre les électeurs que voter Labour signifiait encore augmentation des impôts. Dès l'automne, le triomphe allait cependant se transformer en cauchemar. À la suite de la tempête monétaire de septembre, le gouvernement est obligé de dévaluer de facto la livre de 9 % et de la retirer du système monétaire européen. Cuisant échec. Dans les semaines qui suivent, après des échanges bien peu diplomatiques avec les partenaires allemands, les dirigeants anglais se révèlent dépourvus d'initiative face à une communauté européenne qu'ils réunissent à Birmingham sans aucun résultat concret. Enfin, gaffe suprême, le gouvernement annonce le 19 octobre le licenciement de 30 000 mineurs et doit y renoncer dans les jours qui suivent devant la pression conjuguée de la rue et des élus travaillistes, mais aussi de plusieurs députés conservateurs, dont un certain Winston Churchill. Pour tenter de rebondir, John Major rend également public un programme économique de relance très volontariste (aide à la croissance et à l'emploi), surprenant de la part d'un libéral bon teint comme lui. Le pays a-t-il les moyens de lancer ainsi une relance en solitaire ? En fait, le Premier ministre, affaibli par ces différentes bévues, a été obligé de s'aligner sur les positions de l'aile droite du Parti conservateur, ces « eurosceptiques » proches de Mme Thatcher qui souhaitent à la fois une remise à plat complète du traité de Maastricht et une relance de l'activité nationale.

Euroscepticisme

Perdus entre les rêves de leur splendeur passée et le réalisme, entre l'intégration européenne et la vieille tentation du « grand large » avec une Amérique en perte de vitesse, les Anglais ont vite retiré leur confiance à un Premier ministre trop « lisse » à leurs yeux. La relève viendra-t-elle un jour des travaillistes, que leur nouveau président John Smith s'attache à recentrer encore davantage en rompant petit à petit les liens avec les syndicats ? Mais, au Labour aussi, l'euroscepticisme est tenace : plusieurs membres de l'entourage direct de M. Smith ont fait connaître leur hostilité à Maastricht, et le président a été obligé à son tour de les suivre. Décidément, le scepticisme semble être la chose la mieux partagée au royaume de Sa Gracieuse Majesté.

Chrono. : 6/02, 19/03, 9/04, 18/07, 20/08, 10/10, 13/10, 4/11, 20/11.

Paul Roberts