Maniant la carotte et le bâton, Michel Sapin, va, en habile politique, manœuvrer en trois temps.

Pour se protéger des assauts répétés des associations professionnelles qui médiatisent les conséquences du projet et font un travail féroce de lobbying, le ministre met alors en avant une notion contre laquelle personne ne peut s'élever : « la transparence ».

La deuxième arme qu'il utilise est l'amendement. Le ministre, pour prouver la bonne volonté de l'État-patron, rétablit un ersatz de commission d'agence, ce qui constituait le principal cheval de bataille de la profession, où par ailleurs règne une sérieuse cacophonie, chacun prêchant pour sa chapelle, selon que l'on soit un groupe publicitaire avec ou sans centrale d'achat, agence spécialisée dans le « hors média » où de publicité classique. Enfin, il sort l'arme fatale : la menace du 49.3, l'article matraque qui évite toute discussion. Le jour du passage à l'Assemblée nationale, le 17 octobre, les députés, peu aptes à comprendre le fonctionnement complexe du secteur publicitaire, acceptèrent, à la place du 49.3, un projet amendé autorisant le financement des partis à condition qu'il y ait publicité sur les dons. Le tout fut voté dans la foulée par 272 voix contre 256 ; les combats acharnés auxquels tout le monde s'attendait n'eurent jamais lieu... Dura lex, sed lex. En désespoir de cause, c'est sur le Sénat que se reportèrent les efforts des agences et des centrales pour se trouver un ultime défenseur. Comme les sénateurs, à majorité de droite, n'avaient aucune raison de faire une fleur au gouvernement et qu'ils étaient sensibles aux répercussions du projet de loi sur l'avenir du secteur publicitaire, ils décidèrent de jouer la montre dans l'examen du texte.

La « valeur »

De la réclame à la communication, notre époque entre dans l'ère de la « culture pub » et du « marketing de la valeur » dont Benetton est un exemple : le nouveau rôle des entreprises va consister à avoir une mission, des valeurs, à les proclamer et les défendre. Le consommateur, plus réfléchi et responsable, préfère les entreprises qui fabriquent des produits qui correspondent à des convictions plutôt que les firmes qui ne font que vendre pour gagner de l'argent.

L'écologie à l'honneur

De plus en plus de slogans publicitaires se réfèrent à l'environnement : chez Rhône-Poulenc, avec « La planète nous regarde » et « Bienvenue dans un monde meilleur », chez Hoechst, avec « Ne faisons plus souffrir notre atmosphère », ou chez Bayer, avec « Experts mais responsables ».

« La reality pub » de Benetton

La nouvelle campagne d'affiches du groupe italien a suscité bien des polémiques, en utilisant des images provocantes : un malade mourant du sida, des boat people, des rescapés d'inondations... « J'ai voulu montrer la réalité telle qu'elle est », déclare le photographe du groupe, Oliviero Toscani, l'important restant de vendre.

20 fois primée en 1989, 14 fois en 1990, la France n'obtient que 4 Lions dont un seul en or en 1992 au Festival international du film publicitaire de Cannes, vitrine mondiale de la création, et se fait devancer par les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Espagne, les Pays-Bas, le Japon et l'Australie.

Jean-Michel Wagner
directeur du planning stratégique de Lintas