En effet, l'accord, s'il était adopté, entraînerait une diminution – interne et externe – des débouchés d'au moins 5 % de la production laitière communautaire ; dans le domaine de la viande bovine, où les stocks dépassent un million de tonnes, la réduction des exportations en volume, jointe à l'accroissement des importations, entraînerait une réduction des débouchés de plus de 200 000 tonnes par rapport à la moyenne des années 1986-1990 et de 400 000 tonnes par rapport au niveau actuel, donc beaucoup plus que ce qui est prévu par la réforme. Pour les céréales, le solde exportable devrait tomber de 33 à 19 millions en 1997-1998 entre l'action de la réforme, le ralentissement attendu de l'augmentation des rendements, l'effet de gel des terres (beaucoup plus que 15 %, le chiffre de la réforme) et l'augmentation des céréales dans l'alimentation animale du fait de la baisse des prix européens. Enfin, la limitation de la production européenne d'oléagineux pourrait conduire à un taux permanent de gel des terres supérieur à 25 % (au lieu de 15 %) si les rendements continuent à s'accroître. En définitive, un tel compromis peut conduire à la quasi-disparition de la capacité exportatrice communautaire et, au premier chef, de la France.

Commerce mondial

La part de l'agriculture dans l'ensemble des échanges internationaux était en 1990 de 10 %, contre 59 % pour les produits manufacturés, 19 % pour les services et 12 % pour les produits minéraux.

Les acteurs clés lors de la négociation du GATT étaient Caria Hills (É-U), représentante spéciale au Commerce auprès de la Maison-Blanche ; Arthur Dunkel (É-U), secrétaire général du GATT ; Frans Andriessen (Pays-Bas), vice-président de la Commission européenne ; Ray MacSharry (Irlande), commissaire européen chargé de l'Agriculture ; Jacques Delors (F), président de la Commission européenne, et Jean-Pierre Soisson (F), ministre français de l'Agriculture.

Baroud d'honneur ?

Prise en tenaille entre ses agriculteurs, les exigences américaines et les pressions de plusieurs de ses partenaires européens (au premier rang desquels – qui s'en étonnerait ? – les Britanniques), la France est bien isolée : à ceux qui lui reprochent de bloquer un accord indispensable sur le commerce mondial, au bénéfice de sa seule agriculture, elle tente de prouver qu'elle n'est pas la seule lésée (la Belgique, l'Espagne, le Portugal ne sont pas loin de penser comme elle), qu'elle a tout intérêt à passer à la phase « services » de l'Uruguay Round (n'est-elle pas également la deuxième exportatrice mondiale de services ?), mais qu'il n'est pas possible de se « coucher » ainsi face au diktat d'outre-Atlantique. On évoque la possibilité de faire jouer le droit de veto au sein de la Communauté. Personne n'ose y croire vraiment. Le remède risquerait d'être pire que le mal.

« Si M. Mitterrand continue à jouer le rôle principal dans “la France contre le reste du monde”, il finira dans une farce [...]. Ses partenaires de la Communauté commencent à prendre leurs distances par rapport à sa coûteuse défense du lobby agricole. » (The Wall Street Journal, New York, cité par Courrier international.)

« Si la France use de son droit de veto lors du Conseil des ministres de Bruxelles, c'est la Communauté tout entière qui sera discréditée. » (Süddeutsche Zeitung, Munich, cité par Courrier international.)

Gilbert Rullière