Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Commerce mondial

Il ne s'est guère passé de semaine, en 1992, sans initiatives et pressions américaines en faveur de la libéralisation et du développement des échanges internationaux, afin de promouvoir en dernier ressort la croissance mondiale. En effet, confrontés à un déficit commercial important et durable que la baisse du dollar ne parvient pas à éliminer, les États-Unis cherchent à n'importe quel prix des débouchés. L'abaissement des droits de douane étant pratiquement achevé, ils estiment impossible de gagner sur les échanges extérieurs existants. D'autre part, le déclin qui affecte l'industrie américaine à travers le recul de sa compétitivité internationale a ouvert des marchés au profit des exportations japonaises et européennes.

Les fluctuations du dollar

Après la baisse record du mois de septembre 1992 où le dollar était tombé à 4,73 F, la monnaie américaine remonte pour atteindre 5,40 F en novembre. Cette revalorisation va bénéficier à l'Europe, puisque la sous-évaluation du dollar tend à améliorer la compétitivité des produits américains.

Le commerce international progresse en 1991 de 3 % en volume par rapport à 1990. Les États-Unis (dont les exportations représentent 17,4 % des exportations mondiales) reprennent la première place à l'Allemagne (16,4 %), et la France (9,1 %) se situe au 4e rang.

Conquêtes

Aussi, les États-Unis ont-ils tenté encore, durant l'année, de conquérir de nouveaux marchés d'exportation. Au début d'août, ils subventionnent les exportations de viande de porc vers les anciennes républiques d'Union soviétique. La mesure peut sembler anodine, puisque les producteurs américains exportent peu ; elle est révélatrice. De même, le 2 septembre, au cours d'une réunion électorale dans le Dakota du Sud, George Bush promet l'octroi de plus d'un milliard de dollars dans le cadre du programme de subventions à l'exportation des céréales américaines. C'est le même but qui est visé lors de la signature de l'accord de libre-échange nord-américain (ALENA) le 12 août entre les États-Unis, le Canada et le Mexique ; ce texte donne naissance à la zone de libre-échange la plus importante du monde, soit un marché commun de 363 millions de consommateurs. De la sorte, les États-Unis créent un nouveau marché, une nouvelle base de production, et l'économie américaine, actuellement dépressive, devrait y trouver un nouveau moteur à sa croissance. À terme, le monde dans son ensemble pourrait en profiter.

Les négociations de l'Uruguay Round répondent à la même logique, chercher des débouchés dans les secteurs qui peuvent encore en offrir, au prix, d'ailleurs, d'une élimination des obstacles qui s'opposent à leur exploitation. Ce choix éclaire l'attitude déterminée, voire agressive des États-Unis, qui concentrent leurs efforts sur les deux seuls secteurs d'activités encore peu libéralisés, l'agriculture et les services.

L'Alena

L'Accord de libre-échange nord-américain (ou NAFTA en anglais) signé par les États-Unis, le Canada et le Mexique donne naissance à la plus importante zone de libre-échange du monde, un marché de 363 millions de consommateurs et dont le poids économique dépasse 6 285 milliards de dollars en terme de PIB cumulé. Quelque 20 000 droits de douanes devraient être supprimés en 15 ans. Ce nouveau bloc, qui doit constituer un contrepoids face à l'Europe, doit aussi, sur le plan intérieur, « créer des emplois et générer la croissance économique dans les trois pays » (George Bush).

L'Uruguay Round, ouvert en 1986 à Punta del Este, est un cycle de négociation organisé par le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade, en français Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce), afin d'éviter les guerres commerciales ou les tentations protectionnistes. Les discussions portent sur une quinzaine de sujets dont le textile, les services, la propriété intellectuelle, mais c'est l'agriculture qui se trouve au centre des débats, même si elle n'entre que pour 12 % dans les échanges mondiaux et occupe de moins en moins de personnes : les agriculteurs ne représentent plus que 2 % aux États-Unis, 6,1 % en France... Mais les Américains perdent des parts croissantes de marché : par exemple, leurs exportations de blé représentent aujourd'hui 36 % des exportations mondiales, contre 45 % il y a quelques années. La situation est inverse pour l'Europe. C'est ce qui explique aussi l'importance prise par le volet agricole.

Agriculture

C'est surtout dans le domaine de l'agriculture, faisant oublier les services bien plus importants, que les pressions des États-Unis (sous forme par exemple de représailles à l'encontre de certains produits agricoles français) sur la Communauté européenne se manifestent avec le plus de violence, à l'occasion des difficiles négociations du GATT (Accord général sur les tarifs et le commerce). Il s'agit pour eux d'obtenir que l'Europe ouvre davantage ses marchés aux produits agricoles américains à travers un aménagement de la réforme de la Politique agricole commune (PAC) décidée en mai 1992.

Menaces

Après de longues et difficiles négociations étalées tout au long de l'année, un compromis est signé le 20 novembre 1992 à Washington sur le volet agricole de l'Uruguay Round et sur les oléagineux. Au lendemain de la signature, la France annonce que cet accord n'est pas compatible avec la réforme de la politique agricole commune, car il reviendrait à organiser la régression de la présence européenne dans le domaine agricole à l'intérieur comme à l'extérieur de la Communauté, remettant en cause les principes mêmes sur lesquels la politique agricole commune a été bâtie.

Services

Le différend agricole entre les États-Unis et l'Europe a fait quelque peu perdre de vue qu'auraient dû être menées de pair les discussions relatives au second volet concernant les services et la protection de la propriété intellectuelle contre le « piratage ». En effet, à l'ouverture de l'Uruguay Round, il avait été prévu de traiter aussi des échanges de services (800 milliards de dollars en 1991). En réalité, les États-Unis et le Japon ne sont guère pressés d'entamer les négociations, car ils seraient contraints de faire des concessions délicates s'ils acceptaient le libre jeu de la concurrence dans les télécommunications, les transports, les banques ou les assurances et l'élargissement du droit d'installation à l'étranger. Au contraire, les pays européens, et plus particulièrement la France (deuxième exportateur mondial de services, un secteur en forte croissance), gagneraient beaucoup à voir s'ouvrir dans ce domaine les forteresses américaine et nippone.

Le coût de la main-d'œuvre : en 1990, les salaires dans l'industrie des NPI asiatiques (Hongkong, Singapour, la Corée du Sud, et Taiwan) représentent le quart de ceux des Américains et le cinquième de ceux des Allemands.

FMI

Alors que traditionnellement le Fonds monétaire international s'adresse aux pays en voie de développement pour leur conseiller une politique économique, il a centré son assemblée annuelle (septembre) sur les pays industriels. L'Allemagne et les États-Unis sont notamment accusés de freiner les possibilités de relance de la croissance mondiale, du fait de l'énorme déficit américain et du maintien de taux d'intérêt allemands trop élevés.

Gilbert Rullière