Journal de l'année Édition 1993 1993Éd. 1993

Démographie

L'intérêt pour les phénomènes démographiques s'est longtemps focalisé sur les différences entre les pays pauvres, à forte fécondité, et riches, à faible fécondité. Il tend à se concentrer aujourd'hui sur les migrations internationales.

La fécondité de nombreux pays pauvres baisse lentement, et l'écart avec les pays riches se réduit. En 1980, on estimait encore à 4,4 enfants par femme la fécondité moyenne des pays en développement, contre 2,0 pour les pays développés. En 1992, les chiffres correspondants sont respectivement de 3,8 et 1,9. La baisse concernait surtout, au début des années 1980, l'Asie du Sud-Est et l'Amérique latine. Plus récemment, elle s'est également amorcée dans les pays arabes, y compris les plus peuplés.

Estimations 1980 et 1992 du nombre moyen d'enfants par femme, dans quelques pays peuplés d'au moins 40 millions d'habitants : Philippines 5,0 et 4,1 – Thaïlande 4,5 et 2,4 – Brésil 4,4 et 3,1 – Mexique 5,2 et 3,8 – Égypte 5,3 et 4,4 – Maroc 6,9 et 4,2.

L'accroissement naturel (différence entre taux de natalité et de mortalité), lui, reste estimé, depuis 1980, à 1,7 % par an pour le monde entier et à 2,0 % pour les pays en développement. Dans ceux-ci, la baisse de la fécondité n'entraîne qu'avec retard celle de la natalité, parce que le nombre de couples en âge de fécondité, issus de la génération précédente, reste longtemps croissant. Quant à la baisse de la mortalité, elle sauve surtout des enfants et de jeunes adultes et provoque donc un rajeunissement de la population. De nombreux pays pauvres se sont engagés dans ce processus, dit de transition démographique, mais celui-ci va s'étaler sur plusieurs dizaines d'années.

Le taux d'accroissement annuel reste estimé à au moins 3 % par an (doublement en 23 ans) pour l'ensemble de l'Afrique (avec des records au Kenya, en Ouganda, Zambie...), pour plusieurs pays arabes (Irak, Syrie, Arabie saoudite...), et pour quelques pays d'Amérique centrale (Guatemala, Honduras, Nicaragua...).

Le doublement. Avec un taux de croissance de 2 % par an, une population double en 35 ans. Au rythme actuel, la population des pays en développement, estimée à 4,2 milliards en 1992, atteindrait donc 8,4 milliards en 2027... Il est vraisemblable que la croissance sera un peu plus lente, mais cela ne change rien au problème.

La coopération internationale peut, seule, résoudre les problèmes que posent cette croissance rapide de la population des pays pauvres :
– alphabétisation et éducation d'une jeunesse très nombreuse, ce qui inclut la formation des jeunes femmes à l'éducation sanitaire et à la planification familiale,
– création de suffisamment d'emplois pour détourner les jeunes chômeurs des tentations de l'agressivité militaire, du fanatisme religieux ou de l'émigration de désespoir.

La proportion d'analphabètes diminue, mais reste souvent de l'ordre de 30 % pour les 15-19 ans. Et le nombre absolu augmente dans la plupart des pays pauvres. Il faudrait un effort international considérable pour augmenter le nombre d'instituteurs...

Il y aura un coût pour les pays riches. Les pays d'Afrique noire, en proie à une forte mortalité, ont surtout besoin d'aide sanitaire ; ceux du monde arabo-musulman, dont l'anthropologie implique une forte différenciation des sexes, et qui disposent soit de pétrole et autres matières premières, soit de main-d'œuvre, appellent plutôt des accords politiques. Quant aux économies fragiles d'Asie et d'Amérique latine, elles relèvent de l'aide commerciale et de l'investissement industriel.

La population du Nigeria, pays de loin le plus peuplé d'Afrique, était estimée à 122 millions d'habitants jusqu'au recensement de 1991, qui n'en a démontré que 88 millions. Du coup, les projections pour 2025 ont été ramenées de 305 à « seulement » 216 millions, pour 924 000 km2. La population du Bangladesh est estimée à 111 millions, et sa densité à 809 hab./km2. On ne sait que penser de la projection pour 2025 : 212 millions et 1 470 hab./km2...

Le sort des émigrants devra faire partie des sujets à négocier entre pays riches et pauvres, et cela s'applique aussi aux pays anciennement communistes. Ils devront garder des liens avec leur pays d'origine, pour le faire profiter de la formation qu'ils acquerront. Pour relever les défis démographiques qui lui sont posés, le xxe siècle devra réussir à combiner les circulations de marchandises et de capitaux avec celles des informations et des hommes. Vaste programme...

60 millions de Français ?

Morosité. En France, les nombres de naissances et de mariages continuent de s'effriter, et le vieillissement de la population s'accentue. Les âges moyens de la procréation, depuis la mise en ménage jusqu'à la naissance du dernier enfant, tendent à augmenter. Nombreux sont les couples qui diffèrent leur mariage après la naissance de leurs premiers enfants.

France

En 1991, 759 000 naissances (après 771 000 en 1988), et 281 000 mariages (après 287 000 en 1990). On attend pour 1992 750 000 naissances et 266 000 mariages.

L'espérance de vie augmente continûment, du fait des progrès enregistrés aux âges avancés, en raison du recul des risques cardio-vasculaires. Mais la mortalité à 35-44 ans augmente : les décès dus aux suicides et aux accidents de la route sont stables, mais ceux dus au sida s'accroissent.

France

Vie moyenne en 1991 : 73,0 ans (hommes) et 81,1 ans (femmes). En 1990, il y a eu 526 000 décès (hommes : 52 %), dont 11 403 décès dus à des suicides (h. 72 %), 10 071 décès à des accidents de la circulation (h. 73 %) et 2 785 au sida (h. 85 %).

L'immigration redevient une source de dynamisme démographique, après une quinzaine d'années d'interruption. Dans les années récentes, les variations relatives les plus élevées ont été celles des Turcs, des Africains du sud du Sahara et des Asiatiques. Mais, au recensement de 1990, la nationalité étrangère la plus fréquente est la portugaise.

France

L'INSEE évalue le solde net de l'immigration depuis 1990 à 80 000 personnes par an. Il faut remonter à 1973 pour trouver des chiffres supérieurs (moyenne 1964-1973 : + 130 000).

La baisse du chômage serait, seule, de nature à encourager les jeunes générations à fonder une famille et permettrait de considérer positivement l'entrée de nouveaux travailleurs et consommateurs.