Le secrétaire américain à la Défense, Dick Cheney, a-t-il tenu sa promesse de réduire au minimum « le coût humain de la guerre » ? Oui en ce qui concerne les coalisés ; mais non en ce qui concerne les Irakiens : les dernières quarante-huit heures de la guerre ont fait de véritables carnages dans leurs troupes prises au piège au Koweït et sur l'autoroute de Bassorah empruntée par des civils et les militaires de Bagdad qui tentaient de fuir dans des milliers de véhicules civils ou militaires. Des morts aussi inutiles que celles qui survinrent aux quatre coins de l'Irak au cours du pilonnage aérien de quarante-deux jours, dont l'utilité est aujourd'hui mise en doute par certains commentateurs militaires.

L'Irak a-t-il servi de champ d'expérimentation pour les armes de destruction les plus modernes, ainsi que se le demande le général israélien Peled ? Ou a-t-on voulu, comme certains l'affirment, détruire entièrement l'infrastructure économique et industrielle de l'Irak pour le ramener plusieurs siècles en arrière ?

L'offensive alliée des 24/27 février

La manœuvre générale des coalisés consistait à faire croire aux Irakiens à une importante opération de débarquement au Koweït, puis à une offensive frontale au Koweït même, le tout devant logiquement être complété par un débordement d'ampleur limitée. En réalité, le débarquement n'a pas eu lieu, tandis que la manœuvre de débordement s'est avérée nettement plus large. Cette opération, dite de « déception », allait fonctionner parfaitement.

Sans réponse de Bagdad à l'ultimatum (fixé au 23 février à 18 h, heure de Paris) sommant les forces irakiennes d'évacuer le Koweït, les Alliés déclenchaient l'offensive aéro-terrestre le 24 février à 4 h (heure de Riyad). Précédés par des avions et par des hélicoptères d'assaut qui leur apportaient l'appui feu indispensable, les colonnes alliées quittaient leurs bases d'Arabie Saoudite et s'enfonçaient en territoire irakien sans rencontrer de grande résistance. Bagdad préférait continuer à lancer des Scud sur Israël et sur l'Arabie Saoudite. Sur le terrain, la division française Daguet (elle comprenait 10 000 hommes des forces terrestres, dotés de 2 500 véhicules, dont 500 blindés, et de 120 hélicoptères, et 800 hommes des forces aériennes disposant de 40 appareils de combat), placée en tête du dispositif allié et épaulée sur sa droite par le 18e corps d'armée aéroportée américain, faisait porter son effort sur l'Ouest et s'emparait d'Al Salman en moins de 48 h. De la rapidité de cette opération dépendait l'ensemble des plans des coalisés.

Garantis sur leur flanc gauche par les forces françaises, le 7e corps d'armée mécanisée américain et la 1re division blindée britannique pouvaient se lancer à l'assaut de la Garde républicaine irakienne déployée devant Bassorah. Dès lors, les soldats irakiens allaient chercher à fuir vers le nord pour échapper à la manœuvre d'encerclement confiée aux troupes du général Schwarzkopf. Au cours de ce mouvement qui tournait très rapidement à la débandade, les forces alliées infligeaient des dégâts considérables et de très lourdes pertes aux troupes irakiennes. En bordant l'Euphrate au sud et en coupant la retraite aux divisions de la Garde républicaine, le 18e corps favorisait l'action du 7e corps, des divisions de Marines et des forces arabo-islamistes au Koweït. À partir du 27 février, la proche victoire des Alliés ne faisait plus de doute. Alors que les forces terrestres irakiennes se dispersaient ou se rendaient sans opposer de résistance, les forces amphibies constituées de 20 000 marines se dirigeaient vers Koweït-Ville à partir du golfe. En quelques heures, l'île stratégique de Failaka était prise. À l'aube du 27 février, dans la capitale, les soldats américains des forces spéciales repoussaient rue après rue les derniers combattants irakiens. Au sud de Bassorah, un dernier combat de chars opposait les blindés américains et britanniques aux chars de la Garde républicaine. Le lendemain, à 8 heures, le président Bush pouvait annoncer : « La guerre est finie ».

L'après-guerre

La guerre du Golfe aurait-elle pu être évitée ? Probablement pas. Tout d'abord à cause du comportement quasi suicidaire et de l'orgueilleux entêtement de Saddam Hussein, qui, tout au long de la crise qui a précédé la guerre et au cours des premières semaines de bombardements aériens, a agi comme s'il ne craignait rien et comme si toutes les mises en garde du président Bush n'étaient que de simples gesticulations sans portée réelle. Vraisemblablement mal informé des intentions profondes des Américains – qui avaient été parmi ses meilleurs alliés au cours de la guerre contre l'Iran – par les rapports optimistes de son ambassadeur à Washington, Mohamed Mashat, le président Saddam Hussein ne pensait pas, jusqu'à la dernière minute, que les Américains iraient jusqu'à déclencher des opérations militaires terrestres. Il semblait ignorer que les États-Unis avaient décidé, depuis un certain temps, d'en finir une fois pour toutes avec un régime qui représentait une menace sérieuse pour leurs intérêts et pour ceux de la communauté internationale dans la région. Les Américains ont fait d'ailleurs tout ce qu'ils pouvaient pour rendre difficile, voire impossible, la solution diplomatique qui aurait permis à Saddam Hussein ainsi qu'au complexe militaro-industriel de l'Irak de sortir indemnes de l'aventure koweïtienne.