Les combats font rage d'abord en Krajina, puis en Slavonie occidentale et orientale, dans la Banija (au sud de Zagreb) et le long de la côte dalmate où les six principaux ports, dont Zadar, sont soumis à un blocus de la marine yougoslave. En novembre, une mission humanitaire, conduite par Bernard Kouchner et son homologue italien sous la bannière de l'UNICEF, permet d'évacuer plusieurs centaines de femmes et d'enfants de Dubrovnik. Après un siège de 87 jours, Vukovar, dans l'est de la Croatie, tombe le 18 novembre aux mains de l'armée fédérale et des autonomistes serbes. Cette ville de 50 000 habitants, qui était le symbole de la résistance croate, n'est plus que ruines. Selon le bilan de Zagreb, la bataille a fait un millier de morts. Après la chute de Vukovar, les fédéraux poursuivent leur avancée vers Osijek, le chef-lieu de la Slavonie.

Il apparaît de plus en plus clairement qu'ils n'interviennent pas pour « mettre fin à des conflits interethniques ou pour les empêcher » mais qu'ils mènent une guerre de conquête ou de contrôle des régions de Croatie où vivent des Serbes. Début décembre, on estime que la république indépendantiste a été amputée du quart de son territoire.

En novembre, les Nations unies se sont saisies du dossier sur l'initiative des membres européens du Conseil de sécurité, dont la France. Cyrus Vance, l'envoyé spécial du secrétaire général, effectue plusieurs missions à Belgrade et Zagreb pour examiner la possibilité d'un envoi de casques bleus sur le terrain. L'opération est d'autant plus risquée sur le plan militaire que Croates et Serbes ne sont pas d'accord sur les lieux de déploiement éventuel des soldats de l'ONU : le long de la frontière qui prévalait avant le déclenchement des hostilités, ou dans les zones de conflit actuelles ? Une chose est claire en tout cas pour l'ancien secrétaire d'État américain : il n'est pas question d'envoyer des troupes internationales dans la région avant l'entrée en vigueur d'un véritable cessez-le-feu. Dans un premier temps, l'ONU se contentera donc d'y dépêcher des observateurs militaires qui viendraient renforcer leurs collègues européens.

À la fin de l'année, en Croatie, le bilan de cinq mois d'une guerre qui n'est pas terminée est déjà lourd : entre 10 000 et 20 000 morts selon des estimations (certes impossibles à contrôler) en provenance de Zagreb et de la presse de Belgrade et plus de 450 000 personnes déplacées en raison des combats.

Alain Debove
Alain Debove est chef-adjoint du service étranger du Monde, où il est chargé de l'Europe.