Journal de l'année Édition 1992 1992Éd. 1992

La politique régionale

Rapprocher la politique de la ville et celle de l'aménagement du territoire et délocaliser l'administration tout en gardant les yeux fixés sur l'horizon européen sans oublier ses autres engagements et sans négliger les risques d'explosion du système, tels ont été les soucis du gouvernement en 1991.

L'aménagement du territoire

Logique et relance. Voilà les deux mots clés qui marquent la politique d'aménagement du territoire en 1991. Une politique, au demeurant, qui, au fur et à mesure que se rapprochait l'échéance des élections régionales et cantonales de mars 1992, semblait susciter un intérêt et même des revendications de plus en plus soutenus chez tous les élus locaux et parlementaires, à droite comme à gauche.

La logique concerne le rapprochement, sous une même autorité ministérielle dans le gouvernement formé par Mme Édith Cresson, des politiques de la ville et de l'aménagement du territoire. Comment ne pas voir en effet que les villes – métropoles ou villes moyennes – sont devenues des points d'ancrage ou des nœuds autour desquels s'ordonne désormais le développement économique ? Qu'une ville connaisse une vive expansion, et tous les cantons des environs en bénéficieront indirectement. À l'inverse, le déclin démographique ou économique de tel centre urbain entraîne quasiment ipso facto la dégénérescence des zones rurales voisines. C'est d'ailleurs l'un des enseignements du recensement de 1990 (éd. 1991).

De même, la politique de la ville, qui était née dans les années 1989-1990 à partir des flambées de violence dans certaines banlieues déshéritées, ne pouvait se cantonner dans une conception restrictive, voire négative ou marginale, consistant à soigner les façades des grands ensembles, prendre en charge les jeunes désœuvrés, réinventer un urbanisme moderne et une architecture plus conviviale. Associer à cette démarche sociale une politique de « réseaux de villes » à base de solidarité géographique entre Brest, Rennes, Nantes et Angers, par exemple, ou entre Reims, Châlons-sur-Marne et Troyes ouvre des perspectives intéressantes de stratégie de développement.

Un horizon européen

Qu'elles soient regardées de l'intérieur, avec leurs problèmes de quartiers, de transports, d'immigration, de lieux de culture, de reconquête des centres urbains historiques, ou que l'on considère leur ouverture vers les autres, c'est-à-dire en prenant en compte la dimension de l'agglomération ou les relations avec les autres cités de la région, les villes sont donc des références obligées dans toute politique d'aménagement du territoire. La mise sur pied des schémas d'autoroutes ou de TGV et le plan Université 2000 ont été conçus eux aussi en fonction de la carte des villes françaises, de leur poids démographique et de l'arrière-pays qu'elles desservent.

C'est à Michel Delebarre, maire de Dunkerque, qu'a été confié l'ensemble du « paquet » Ville et Aménagement du territoire et, pour montrer l'importance qu'ils attachaient aux enjeux, M. Mitterrand et Mme Cresson lui ont donné le titre de ministre d'État. Il est assisté dans sa tâche par M. André Laignel, élu de l'Indre, qui a plus particulièrement en charge les secteurs de l'aménagement rural, du littoral, de la montagne et du développement local.

La relance, quant à elle, s'est manifestée le 3 octobre et le 7 novembre, à l'occasion des deux comités interministériels d'aménagement du territoire (CIAT) qui ont arrêté plusieurs mesures de « délocalisation administrative ». Mme Cresson et son chef d'état-major sur ce dossier (Michel Delebarre) ne se sont pas fait que des amis parmi les membres du gouvernement en décidant d'envoyer la SEITA à Angoulême, l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) à Lille, l'Office national des forêts à Bourges et, surtout, l'ENA à Strasbourg.

Ce que certains ont appelé l'« exil » d'une des plus prestigieuses grandes écoles a provoqué une formidable levée de boucliers à la fois dans la « nomenklatura » des anciens élèves de l'ENA et dans la haute fonction publique. Couper le cordon ombilical entre la pépinière des grands corps de l'État, les administrations centrales, toujours sous l'emprise du démon du jacobinisme, et les ministères parisiens était aussi sacrilège que dangereux. Autant supprimer l'ENA, disaient certains ! Pourtant, que l'on sache, ni HEC, ni Polytechnique, ni l'École de la magistrature, ni l'École des impôts, ni celle de la santé publique, sises à Jouy-en-Josas, Palaiseau, Bordeaux, Clermont-Ferrand ou Rennes, ne peuvent être qualifiées de « sous-grandes écoles »... Et Strasbourg, ville à vocation internationale, n'est-elle pas un choix judicieux si l'on veut, précisément, donner aux futurs hauts fonctionnaires un enseignement et un horizon européens ? Pourquoi la France ne serait-elle pas pionnière dans la mise en place d'une haute fonction publique communautaire ?