L'archéologie, longtemps laissée pour compte, en dépit des efforts de ces dernières années, reçoit 127 millions de F pour ses crédits d'investissement, les fouilles du Mont Beuvray étant financées par des fonds provenant des Grands Travaux.

Réorganisation et formation

Le grand public se familiarise de plus en plus avec cette discipline qui accompagne parfois spectaculairement les chantiers « présidentiels » (le Grand Louvre), comme la construction des autoroutes et des voies ferrées à grande vitesse. Ce coup de pouce financier s'accompagne, là aussi, d'une réorganisation administrative : déconcentration des autorisations de fouilles et recrutement des personnels permanents par l'Association des fouilles archéologiques nationales. Une carte archéologique de la France va être dressée. Elle recensera 250 000 sites (→ éd. 1991).

Ce souci du patrimoine s'est également concrétisé, au début de l'année, avec l'ouverture de l'École du patrimoine, qui accueillait sa première promotion – 43 élèves – le 7 janvier 1992. Cette école, que l'on a parfois présentée comme un pendant culturel de l'ENA, doit former à terme tous les professionnels chargés des institutions patrimoniales (musées, archives, monuments historiques, inventaire, archéologie), qu'elles relèvent de l'État ou des collectivités territoriales. Ses trois axes sont des enseignements scientifiques, techniques et administratifs. Les futurs responsables, compte tenu de l'évolution des professions liées au patrimoine, doivent avoir, outre leurs spécialités scientifiques, des connaissances techniques (conservation, restauration, collecte), mais aussi financières, juridiques et administratives. « Si l'on n'avait pas ouvert cette école, précisait Jack Lang, les technocrates, que certains redoutent tant dans le monde du patrimoine, se seraient installés aux commandes de ces principales institutions. Nous avons préféré armer les hommes de sciences pour qu'ils ne soient pas, un jour, dévorés par la technostructure administrative. » Reste à localiser cette école. Si l'ENA quitte le VIIe arrondissement de Paris pour Strasbourg, le siège de ce nouveau centre aura du mal à s'accrocher à la capitale. Il devrait vraisemblablement s'installer à Lille.

Exploitation

Mais, si le patrimoine a le vent en poupe, son exploitation continue de susciter bien des polémiques. Les collectivités territoriales ont, en effet, découvert son intérêt et comptent bien l'exploiter. Mais cette exploitation peut engendrer des dérapages que les Cassandre de « l'écologie culturelle » dénoncent à grands cris. Après le pont du Gard dont les abords devaient se transformer en Luna Park gallo-romain si l'on avait suivi les vœux du Conseil général du Gard, c'est autour du château de Chambord que la dernière escarmouche a eu lieu. Le Conseil général du Loir-et-Cher rêvait d'implanter à l'entrée du domaine un Centre de la Renaissance sommé d'une tour en spirale de 30 mètres de haut.

Devant le tollé général, le projet est aujourd'hui bloqué, mais le problème de l'accueil d'un public toujours plus nombreux continue de se poser. Comment faire face à la déferlante touristique qui menace, au sens strict du terme, l'existence de certains monuments fameux, du Mont-Saint-Michel au pont du Gard, en passant par Vézelay et la cathédrale de Chartres ? Le patrimoine est pour notre pays une ressource comparable au pétrole, affirmait récemment un homme politique. Encore faut-il savoir l'exploiter avec prudence et discernement.

Emmanuel de Roux