La persistance du déficit du commerce extérieur (5,8 milliards de F en janvier ; 3,6 milliards de F en février ; 4,7 milliards en mars ; 2,1 milliards en avril) ne faisait que traduire le manque de compétitivité des entreprises françaises sur le marché international, ainsi que les incidences économiques de la guerre du Golfe qui ont mis un terme à la lucrative course aux armements au Proche-Orient.

Leur part dans les exportations nationales diminuait donc dramatiquement à l'heure où s'imposait la restructuration destructive d'emplois de plusieurs industries clefs : celle de la flotte de pêche, selon le plan rendu public le 13 mars par le ministre de la Mer, Jacques Mellick ; celle de l'électronique, qui nécessitait, le 3 avril, une intervention directe de l'État au profit des entreprises Thomson et Bull, bénéficiaires de dotations en capital d'un montant de 1,8 milliard de F pour la première et de 2 milliards pour la seconde, qui avait dû, dès le 27 mars, annoncer 8 500 suppressions d'emplois en 1991 et en 1992 pour éponger le seul déficit de l'exercice 1990 : 6,8 milliards de F ; celle de la télévision publique à laquelle il fallut accorder, également le 3 avril, une somme d'un milliard de F pour assurer le renflouement d'Antenne 2 et de FR3. Et cette liste n'est malheureusement pas limitative.

Pour assurer le financement de telles mesures, le gouvernement dut alors autoriser les entreprises nationalisées à accepter une participation minoritaire de capitaux privés à leur capital social à concurrence, au maximum, de 49,99 %. C'était ce que souhaitait ouvertement le Premier ministre depuis 1982. Mais c'était revenir sur le dogme du « ni-ni » (ni nouvelles nationalisations ni nouvelles privatisations) tel que l'avait proclamé le chef de l'État en 1988.

Le choix du Président

Publié au Journal officiel du 5 avril, le décret d'application pouvait alors apparaître comme une apparente revanche de Michel Rocard sur François Mitterrand. Mais être obligé de se soumettre à la logique du capital pour assurer le « nouvel élan » de l'économie ne dut guère plaire à ce dernier, qui nourrissait sans doute d'autres griefs à l'encontre de son Premier ministre. Les réformes en cours passaient mal. Imposant de ce fait aux villes une coopération intercommunale sous la présidence, pas toujours souhaitée, du préfet, le projet de loi sur l'administration territoriale n'était adopté, le 9 avril, qu'à une voix de majorité, celle du député centriste Edmond Gerrer, son vote approbatif lui ayant été imposé par un député socialiste, Bernard Dérosier, plus rapide à « tourner sa clef » que Bernadette Isaac-Sibille, sa collègue de l'UDC dont le groupe se trouvait dès lors rejeté dans une opposition pure et dure.

Assurant la mise en place des instruments de planification de la carte sanitaire et soumettant les établissements de soins publics ou privés au système d'autorisation à durée déterminée et au régime d'évaluation périodique, le projet de loi sur la réforme hospitalière ne pouvait être adopté en première lecture par l'Assemblée nationale que grâce à la procédure du « 49-3 », qui épargne au gouvernement le risque d'être désavoué par la majorité parlementaire. Et, quand cette dernière adopta définitivement, le 12 avril, le nouveau statut de la Corse par 276 voix contre 262 et 38 abstentions, le Conseil constitutionnel n'hésita pas à sanctionner le gouvernement en annulant, le 9 mai, l'article 1er de la loi qui reconnaissait l'existence d'un « peuple corse composante du peuple français » !

Contraint par ailleurs de renoncer dès le 17 avril à modifier le mode de scrutin pour les élections régionales de 1992, faute de majorité parlementaire positive pour ratifier cette réforme, critiqué sans doute implicitement par le chef de l'État pour n'avoir pas su prévenir les émeutes qui avaient fait onze morts à Saint-Denis-de-la-Réunion du 23 au 25 février, Michel Rocard ne survécut pas à la relance des « affaires » ; mort accidentelle de Michel d'Ornano, le 8 mars, curieusement restée inexpliquée ; révocation, le 18, de l'inspecteur Antoine Gaudino, de la police nationale, pour avoir dénoncé, en 1990, l'affaire des fausses factures de la SORMAE, société chargée de financer les campagnes électorales du PS ; dessaisissement, le 7 avril, confirmé malgré l'avis contraire de la cour d'appel d'Angers, du juge d'instruction Thierry Jean-Pierre pour perquisition estimée abusive par le parquet au siège parisien d'Urbatechnic, bureau d'études chargé du financement de ce même parti.