Les armes du Golfe

Dernier conflit du xxe siècle ou première guerre du xxie siècle ? Sous le seul aspect de la technologie militaire mise en œuvre, l'engagement des forces armées dans le Golfe a représenté un saut quantitatif et qualitatif sans précédent dans l'histoire des conflits contemporains.

Au soir du 16 janvier, au cours de trois heures de raids d'une précision sans équivalent, l'aviation alliée déversait 18 000 tonnes de bombes sur l'Irak. L'Occident jetait dans la bataille ce que son industrie militaire avait produit de plus performant. Aux antipodes du choc frontal des lourds bataillons d'antan et du pilonnage aveugle de l'artillerie, le recours aux missiles, aux bombardiers, aux satellites assimilait la guerre à une espèce de War Game en grandeur réelle dont l'issue dépendait plus de la maîtrise de l'électronique et de l'informatique que des traditionnelles vertus guerrières. Reportages et journaux télévisés s'enrichissaient d'un lexique jusqu'alors inconnu des profanes : AWACS, Scuds, Patriots, bombardiers furtifs, guidage infrarouge, télémètre laser ou bien encore munitions intelligentes !

La victoire de l'électronique

Si le rôle dévolu aux « pions » (chars, infanterie, artillerie) est resté le même, leur dynamique s'est accrue par l'emploi intensif de l'électronique. Équipés pour la plupart d'intensificateurs de lumière, les chars alliés ont pu progresser la nuit en toute sécurité. Les systèmes de visée laser leur conféraient une précision de tir exceptionnelle : le faisceau laser projeté sur la cible permettant de connaître sa distance, les éléments de tir sont alors traités en une fraction de seconde par un ordinateur qui procède à toutes les corrections balistiques nécessaires. Les unités élémentaires ont également bénéficié de l'électronique qui offre, notamment en matière de communication, des performances remarquables : le réseau intégré de transmissions automatiques (système français RITA), en dotation dans les armées américaines, a assuré des liaisons ultrarapides en temps réel entre le commandement et les têtes de pont avancées en territoire irakien. Enfin, l'électronique a représenté un apport considérable en termes de maintenance et de localisation des pannes.

Mais c'est dans le domaine aérien que la guerre électronique a donné toute sa mesure. Préalable à l'engagement de l'aviation alliée le 16 janvier, le brouillage des radars adverses a rendu pratiquement inefficaces les capacités de détection irakiennes et par conséquent la défense antiaérienne (DCA). Pour gagner en précision, le bombardement stratégique disposait d'une technologie spatiale qui assure, en amont de tout engagement, les moyens de la reconnaissance et de l'observation.

Schématiquement, ce dispositif espion présente une forme pyramidale : les satellites en orbite géostationnaire observent le moindre mouvement adverse ; en dessous, les AWACS, système d'alerte aéroporté, et les F-117 Stealth, appareils de reconnaissance, patrouillent sans interruption, prêts à relayer leurs informations tactiques en direction des chasseurs et des appareils d'appui au sol. Qu'il s'agisse de bombardiers, d'avions de chasse ou d'appareils de reconnaissance, tous sont « bourrés » d'électronique permettant de voir la nuit, d'échapper à la détection, de guider avec une précision dite « chirurgicale » missiles et bombes sur des objectifs parfaitement définis et reconnus.

Sans l'apport de l'électronique embarquée, l'aviation alliée n'aurait pas pu atteindre les buts de guerre définis par l'ONU tout en réduisant au minimum les pertes dans les rangs de ses armées. La guerre du Golfe a ainsi permis d'utiliser un certain nombre d'armes et d'appareils que les forces aériennes n'avaient pas encore eu l'occasion de tester dans des conditions réelles. C'est le cas de l'armement guidé par laser, qui a considérablement affaibli le dispositif militaro-industriel irakien en détruisant des dépôts logistiques, des terrains d'aviation, des bases navales et des ponts routiers (notamment les ponts sur l'Euphrate). Enfin, en ce qui concerne l'engagement des forces aériennes, il faut souligner que ce conflit est le premier où une stratégie aérienne spécifique a été globalement mise en œuvre, permettant à la phase terrestre de s'accomplir dans les meilleures conditions au terme de quarante jours de missions.