États-Unis : l'Artésienne de la reprise

Si les Américains ont remporté la guerre du Golfe avec facilité, ils restent désespérément ensablés sur le front de leur économie domestique. À moins d'un an des élections présidentielles, ce domaine est le seul talon d'Achille offert par George Bush à ses adversaires politiques.

Si près des trois quarts des Américains font encore confiance à leur président pour la façon dont il conduit les Affaires étrangères, ils ne sont plus qu'à peine 30 % à lui accorder un soutien mesuré pour ses initiatives économiques qui, pendant des mois, se sont bornées à implorer les statistiques pour qu'elles veuillent bien confirmer une reprise économique sans cesse reportée.

Officiellement, l'économie américaine est entrée en récession en juillet 1990, à la veille de l'invasion du Koweït par les troupes de Saddam Hussein. Une simple coïncidence, puisque depuis longtemps, en fait depuis le début de l'année 1989, l'activité industrielle avait commencé à chuter. Logiquement, et pour respecter la même coïncidence, l'économie aurait dû repartir dès le premier trimestre 1991, après la victoire éclair remportée sur Bagdad, le triomphe de la technologie américaine, la stabilisation des prix du pétrole à moins de 20 dollars le baril et, surtout, la reprise de la consommation, freinée par plusieurs mois d'incertitude avant le déclenchement de l'offensive, à la mi-janvier. Mais il n'en a rien été.

Une reprise trop timide

Les consommateurs qui, traditionnellement, fournissent 70 % de la richesse nationale, mesurée par le produit national brut (PNB), ont continué à bouder non seulement les rayons des magasins, mais aussi les entreprises de construction immobilière et les concessionnaires automobiles (à leur plus bas niveau depuis 1983), deux secteurs clés qui, en fin d'année, n'avaient toujours pas retrouvé leurs niveaux de clientèle antérieurs à la crise. Dans le même temps, les exportations, qui représentent moins de 10 % du PNB et qui ont contribué elles aussi à tirer la croissance vers le haut durant les « années Reagan », grâce à un taux de change favorable, ont amorcé un recul sous le double effet de la remontée du cours du dollar depuis l'été 1991, et de la récession. Celle-ci a ensuite affecté les principaux partenaires commerciaux des États-Unis (notamment le Canada), puis leurs clients européens, qui ont basculé à leur tour dans la crise, freinant de ce fait les exportations. Au total, le produit national brut américain, qui avait faiblement progressé en 1990 (+ 1 %), s'inscrira en légère baisse en 1991, à condition toutefois que le sursaut enregistré au cours des derniers mois se concrétise.

Mais le problème n'est pas tant la durée de cette récession (laquelle aura été finalement inférieure à la durée moyenne de seize mois des principaux ralentissements de l'après-guerre) que la faiblesse du redémarrage constaté. Historiquement – et c'était particulièrement vrai en 1982-1983 –, les précédentes sorties de crise ont débouché sur des envolées du PNB qui pouvaient atteindre 5 à 6 %. Cette fois, les spécialistes, qui hésitent encore entre une « reprise molle » en fin d'année et la crainte suprême d'un « double plongeon » (une rechute dans la récession en raison d'une reprise trop timide de la croissance), anticipent au mieux un taux de 2,5 à 3 % pour le début de 1992, soit la moitié des performances précédentes. Un diagnostic auquel se range la Réserve fédérale américaine.

L'impact sur l'emploi

Pour l'administration Bush, qui escompte une croissance supérieure en 1992 (de l'ordre de 3,6 %), c'est sans doute là l'un des plus mauvais scénarios. Trop faible pour signifier au reste du monde que les États-Unis sont redevenus la locomotive qu'attendent les autres pays industrialisés, cette reprise anémique ne va pas contribuer à résorber de façon nette le chômage, alors que 1,6 million d'emplois auront été perdus au cours de l'année (contre 2,6 millions lors de la précédente récession de 1979-1982).

Ce problème constitue l'une des principales préoccupations de la population, à en juger par un certain nombre de sondages, surtout dans les régions où la crise de l'emploi a été particulièrement aiguë depuis près de deux ans (la côte est, notamment la Nouvelle-Angleterre, autour de Boston, et la Californie, à l'ouest du pays). Encore faut-il remarquer que la récession aurait été plus grave si la bonne tenue des exportations, conduisant à une compression du déficit de la balance commerciale (revenu aux alentours de 80 milliards de dollars contre plus de 100 milliards fin 1990), n'avait apporté une contribution positive de 1,3 % au PNB, alors qu'au cours des dernières périodes de récession le déficit commercial avait été, à l'origine, d'environ 30 % de la baisse de la croissance.