Panorama

Après huit années d'expansion continue, l'inflexion de l'activité internationale amorcée courant 1989 s'est confirmée et amplifiée avec la crise du Golfe, déclenchée le 2 août.

Le ralentissement de la croissance a été particulièrement net pour les pays anglo-saxons (Royaume-Uni, Canada et États-Unis), qui connaissaient déjà la récession ou en étaient menacés. Il a été moins perceptible en Europe de l'Ouest mais de nombreux pays ont dû réviser à la baisse leurs prévisions. La situation économique a été encore plus sombre pour les pays de l'Est et pour ceux du tiers-monde. Seuls le Japon et l'Allemagne fédérale ont connu une croissance forte (respectivement 5,5 % et 4,5 %). Si le dynamisme de l'économie allemande a été fouetté par l'unification, celui de l'économie japonaise pourrait s'expliquer par de remarquables capacités d'adaptation si l'on songe que, dans le même temps, la Bourse de Tokyo s'est effondrée. La décélération générale s'est accompagnée d'un tassement du commerce mondial, d'un regain de tensions inflationnistes − contrôlées cependant − et d'une reprise du chômage.

L'euphorie

Pourtant, l'année avait commencé dans l'optimisme pour les pays industriels. Les bonnes perspectives de croissance, la vigueur des investissements et le dynamisme des échanges internationaux réconfortaient l'Occident. Son triomphe devenait total à la suite des bouleversements de l'Est en 1989, qui témoignaient de l'échec des économies planifiées et conduisaient à l'adoption généralisée du modèle « capitaliste » fondé sur l'économie de marché. Les pays ex-socialistes s'engageaient les uns après les autres, selon des rythmes différents, dans cette direction.

Pour opérer cette transition, ils avaient besoin de l'assistance alimentaire, économique, technologique et financière des pays de l'Ouest, qui l'ont accordée tant par solidarité que par intérêt. Et cette aide était manifestement urgente car le coût social et économique de la reconstruction était difficilement supportable par les populations, alors que les économies (en particulier celle de l'URSS) se trouvaient déjà dans une situation désastreuse. Par intérêt, parce que les pays occidentaux voulaient non seulement éviter un afflux d'immigrés en Europe, mais profiter de l'ouverture des pays de l'Est en termes de croissance, d'investissements et de débouchés.

Plus encore que les bouleversements à l'Est, l'unification de l'Allemagne a dopé la croissance, notamment celle des économies européennes. Menée avec rapidité (union économique et monétaire le 1er juillet, union politique le 3 octobre et premières élections panallemandes le 2 décembre), l'unité interallemande a semblé un moment freiner le processus d'intégration européenne. Il n'en a rien été et la dynamique de la CEE s'est renforcée : libre circulation des capitaux à compter du 1er juillet, progression vers l'union économique et monétaire (entente pour faire démarrer en 1994 la 2e étape de l'UEM, entrée de la livre sterling dans le système monétaire européen le 18 octobre), amorce de l'union politique et enfin, le 22 novembre, démission de Mme Margaret Thatcher, réputée pour son hostilité à l'Europe supranationale.

L'inquiétude

Mais l'euphorie a bientôt cédé la place à des préoccupations économiques plus réalistes. En effet, dans les pays de l'Est, la transition s'est bien vite révélée difficile, douloureuse et incertaine. Leurs besoins en capitaux étaient énormes alors que leur endettement était déjà très élevé. De plus, on s'est rendu compte que les ressources financières des pays occidentaux n'étaient pas illimitées. Aussi les pays sous-développés − les plus pauvres − ont-ils pu se croire oubliés et abandonnés alors même qu'ils sortaient d'une décennie de « régression ». La pénurie manifeste de capitaux au niveau international rendait plus aiguë la lutte nécessaire pour en obtenir une part et provoquait la hausse des taux d'intérêt. De même, l'OPA de la RFA sur la RDA devait être payée. Le coût de l'unification allemande est apparu beaucoup plus élevé que prévu et, pour le financer, il s'est avéré que l'Allemagne devait soit continuer à emprunter, soit se résoudre à augmenter ses impôts. Les autorités monétaires se sont inquiétées des risques de dérapage tant la demande de crédits était forte. Elles ont donc cherché à calmer les tensions inflationnistes en augmentant elles-mêmes les taux d'intérêt et en prévenant ainsi le gouvernement de Bonn de la nécessité de recourir à la seconde solution.