S'adaptant mal au système éducatif français, ces étrangers − agents ou victimes − participent également à la montée de la délinquance en milieu scolaire sous les formes les plus diverses : racket, vol, viol, trafic ou consommation de drogues, voire incendies criminels. En fait, il s'agit là d'un phénomène de société qui contribue à la dégradation de l'enseignement à tous les niveaux. Les lycéens ne s'y sont pas trompés puisqu'ils ont fait de la sécurité l'un des thèmes majeurs de leurs manifestations entre le 15 octobre et le 16 novembre.

Pour des raisons structurelles, cette crise était inévitable : admission en 6e d'élèves dont 33 % n'ont pu acquérir la maîtrise de la lecture ; distorsion croissante entre le nombre des enseignés et celui des enseignants ; dégradation de la condition financière, matérielle et morale de ceux que les médias ne désignent plus que sous les diminutifs péjoratifs de « profs » et d'« instits ». Dans ces conditions, la stabilité de l'emploi ne peut plus compenser la médiocrité des salaires nets qui s'échelonnent pour un professeur certifié sans enfant de 6 865,10 francs à 14 247,70 francs, et pour un professeur agrégé, également sans enfant, de 7 475,88 francs à 16 802,32 francs en classe normale.

Méprisés par les parents, contestés avec violence par leurs élèves, mal rétribués, condamnés à l'errance au début de leur carrière, les professeurs les plus ambitieux n'hésitent pas à mettre leurs talents au service d'entreprises qui les rémunèrent à leur juste prix. Amputé des meilleurs de ses cadres, l'Enseignement public ne peut être relayé dans son effort éducatif par l'Enseignement privé, l'État appliquant de manière restrictive la loi Debré de 1959 et limitant, par arrêt en Conseil d'État du 6 avril 1990, le montant de l'aide immobilière des collectivités publiques à 10 % de leur budget général en vertu de la loi Falloux du 15 mars 1850 !

Sur la voie des réformes

Conforté depuis le 6 février par le nouveau Conseil national des programmes, le ministère, faute de professeurs, supprime l'enseignement de la physique et celui de la chimie en 6e et en 5e ; mais, comme il ne peut retirer de l'emploi du temps les langues, les lettres et surtout pas les mathématiques, il fait appel à plus de 40 000 maîtres auxiliaires parfois étrangers et dont certains ne sont même pas titulaires d'un DEUG !

Refusant le principe de la sélection qui permettrait d'adapter la population scolaire (7 millions dans le 1er degré ; 6 dans le second ; 1 dans le supérieur) au nombre des cadres disponibles, le ministère s'engage dans la voie des réformes. La première est celle de l'école primaire dont le cycle d'apprentissage est modulé sur deux, trois ou quatre ans pour l'adapter au rythme de l'enfant.

La seconde est celle de l'enseignement supérieur. Redoutant une explosion des campus, le gouvernement lance le 10 janvier un plan d'urgence pour augmenter ses capacités d'accueil en créant quatre nouvelles universités en région parisienne (Marne-la-Vallée, Évry, Saint-Quentin-en-Yvelines, Cergy-Pontoise), puis, le 9 juin, deux autres dans le Nord-Pas-de-Calais ainsi qu'un Institut d'études politiques à Lille. Étalée sur 4 ans (1991-1995), englobant les travaux de rénovation des bâtiments existants et le projet de réaménagement de Paris-Centre, l'opération coûtera 23 milliards, dont 17 à l'État selon le plan adopté par le Conseil des ministres du 23 juin. Il reste alors à résoudre le problème essentiel des cadres.

L'appel provisoire à de jeunes doctorants rémunérés médiocrement et forfaitairement pour des durées maximales de trois ans (allocataires moniteurs ; moniteurs normaliens) ou de quatre ans (attachés temporaires d'enseignement et de recherche : les ATER) ne saurait suffire. Il faut encore faire appel pour le 1er cycle à des professeurs agrégés (PRAG) soumis à un emploi du temps double de celui des maîtres de conférences. De tels recours détournent du second degré les meilleurs enseignants alors que le gouvernement crée des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) pour pallier la carence de son recrutement. Après une mise en place expérimentale en 1990 à Lille, à Reims et à Grenoble, ces IUFM seront implantés en 1991 dans toutes les académies.