Journal de l'année Édition 1991 1991Éd. 1991

Le point sur...

Chronique judiciaire

Une fois de plus, le crime en justice n'échappe pas à la thématique. Il est le reflet de la société du moment. 1990 se caractérise ainsi par des problèmes d'ordre.

Aux assises de Paris, on jugeait les agresseurs de Malik Oussekine. Deux policiers, le brigadier Jean Schmitt et le gardien de la paix Christophe Garcia, appartenant à un peloton de voltigeurs motorisés, étaient accusés d'être les responsables de la mort du jeune étudiant lors des manifestations de décembre 1986 contre la loi Devaquet. À l'époque, le scandale avait été considérable. Mais, ramené à la dimension d'un dossier, il suscite les hésitations du jury populaire. Rien ne permet d'affirmer que la mort de l'étudiant ait été due aux coups de matraque. En effet, atteint d'une grave affection rénale, le jeune homme se trouvait sous dialyse. Bref, le drame étant banalisé par le temps, la cour condamne le brigadier Schmitt à cinq ans de prison avec sursis et le gardien Garcia à deux ans, également avec sursis (27 janvier).

À l'occasion d'une autre affaire, l'ex-CRS Gilles Burgos est, quant à lui, plus durement sanctionné ; mais les deux ans de prison ferme qui lui sont infligés le 29 juin pour la mort à bout presque portant d'un automobiliste ont plus valeur d'avertissement que de punition. Le 5 juillet 1989, à Paris, Gilles Burgos avait tenté d'appréhender le jeune Loïc Lefebvre qui roulait sans permis et en sens interdit à bord d'une 2 CV. La chasse à l'homme s'était poursuivie à pied et le CRS avait tiré à deux reprises. Depuis, il invoquait la légitime défense.

Troisième procès, mêmes causes et mêmes effets : le 7 mai 1984, quatre jeunes gens en goguette avaient voulu éviter un contrôle de police en faisant violemment marche arrière avec leur voiture. Le gardien de la paix Christian Holz, qui avait cru un de ses collègues menacé, avait tiré instinctivement. Le conducteur, un jeune Maghrébin, avait été tué d'une balle en pleine nuque. Le 12 octobre, le policier est condamné à trois ans de prison avec sursis.

Trois bavures, trois morts et trois sentences plus que mesurées, presque sur mesure. En marge, une affaire hors norme : celle de l'adjudant-chef Pierre Chanal, accusé du viol et de la séquestration d'un jeune autostoppeur hongrois, en août 1988. Ce cas aurait pu relever d'un tribunal correctionnel et ne pas lui valoir dix ans d'emprisonnement (23 octobre), mais, derrière ce procès de mœurs, surgit une histoire pleine de sous-entendus et de frayeurs : depuis 1980, huit soldats du contingent, qui faisaient également du stop là où passait l'adjudant Chanal, ne sont jamais revenus. Ce sont − et ils restent − les disparus de Mourmelon.

Pierre Bois

Population

Année de deuil et de trouble chez les démographes, mais stabilité de la population. Les disparitions de Jean Bourgeois-Pichat, Jean Fourastié et Alfred Sauvy ont comme tourné la page du « natalisme » d'après-guerre. Une obscure querelle à propos des indicateurs de fécondité, qui a agité l'INED et les médias en mai et juin, a plutôt embrouillé que clarifié le débat sur les questions de population. Le recensement de la population a eu lieu en mars, dans le calme. Les premiers résultats qu'a publiés l'INSEE ont donné l'image d'une France stable, où s'approfondit le clivage entre les cités et régions prospères et les autres.

La fécondité en France, insuffisante pour « renouveler les générations », est du même ordre qu'au Royaume-Uni mais reste supérieure à celle de la plupart des pays voisins. En Suède, la fécondité atteint de nouveau deux enfants par femme. Les pays méditerranéens, longtemps les plus féconds en Europe, sont aujourd'hui parmi les moins féconds. La nuptialité, particulièrement faible en France, se redresse légèrement. La « contribution sociale généralisée » va un peu modifier les conditions de financement de la politique familiale. Cela pourrait, à terme, atténuer le laxisme de la Sécurité sociale à propos, par exemple, des couples non mariés. Entre 1,5 et 2 millions de couples sont dans cette situation et, depuis 1988, plus d'une naissance sur quatre a lieu hors mariage, mais non hors protection sociale.