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Maghreb-Machrek

Le 2 août 1990, un État du Moyen-Orient, le Koweït, disparaît en quelques heures, occupé puis annexé par son voisin irakien. Une épreuve de force s'engage entre Saddam Hussein et la communauté internationale. Pour le monde arabe, c'est la rupture.

Dans le tunnel

Cette nouvelle crise du Golfe va faire voler en éclats l'unité arabe et révéler la fragilité des regroupements régionaux. La Ligue arabe, déchirée entre partisans et adversaires de Saddam Hussein, est totalement paralysée. La question du prochain transfert de son siège au Caire étant loin de faire l'unanimité, son secrétaire général Chadli Klibi démissionne le 3 septembre. La crise, en revanche, favorise des rapprochements inattendus. Le 15 août, l'Irak renonce subitement à toute revendication territoriale contre l'Iran et décide même de rétablir les relations diplomatiques avec son ancien ennemi (14 octobre).

Dès le début de l'année s'amorce un bouleversement du paysage politique moyen-oriental, conséquence indirecte du désengagement de l'URSS à l'égard de ses anciens alliés arabes. L'Union soviétique renforce ses contacts avec l'Arabie Saoudite, qui établit des relations diplomatiques avec la Chine (23 juillet), tandis que les pays de l'Est normalisent leurs rapports avec Israël. L'Égypte rééquilibre ses alliances entre l'Est et l'Ouest et achève de régler son contentieux avec le monde arabe ; la visite historique du colonel Kadhafi au Caire (19 février) scelle la réconciliation avec la Libye, tandis que le sommet Assad-Moubarak à Damas (12-13 mai) consacre la reprise des relations avec la Syrie.

Le clan des « durs » − Iran, Syrie, Libye − adopte un profil plus modéré et se rapproche du camp occidental. L'Iran renoue progressivement le dialogue avec la France et développe les échanges commerciaux : la signature de contrats pour l'achèvement du complexe pétrochimique de Bandar Khomeyni (7 février) et la reconstruction du terminal de Kharg (14 avril) précèdent la libération accordée à Anis Naccache par le président Mitterrand (27 juillet). Mettant fin au contentieux provoqué par l'affaire Rushdie, Téhéran renoue avec la Grande-Bretagne (27 septembre). Plusieurs otages occidentaux détenus au Liban sont alors libérés. Une médiation libyenne permet le règlement de l'affaire Valente (10 avril). Le 22 mai, les deux Yémens réunifiés donnent naissance à la République yéménite.

Autre fait marquant de cette année, mais quelque peu occulté par l'invasion du Koweït : la montée d'une nouvelle vague islamiste. Presque partout, en Égypte, en Syrie, en Libye, en Tunisie, les partis religieux constituent la première force d'opposition ou des alliés obligés du pouvoir, comme en Jordanie. La surprise vient d'Algérie, où le FIS arrache la majorité absolue aux élections municipales, premier scrutin placé sous le signe du multipartisme (12 juin). Profitant de l'amnistie accordée à tous les exilés politiques (31 janvier), l'ancien président Ben Bella fait un retour remarqué à Alger après dix années d'exil (27 septembre).

La montée de l'islamisme s'accompagne de l'ascension parallèle des mouvements religieux juifs en Israël. Après la longue crise politique qui a suivi le limogeage du travailliste Shimon Pérès (13 mars) et l'éclatement de la coalition gouvernementale, Yitzak Shamir constitue un gouvernement de droite soutenu par les nationalistes et les orthodoxes religieux (11 juin). L'opposition du nouveau gouvernement à l'instauration du dialogue avec l'OLP, le durcissement de la répression contre l'Intifada et le gel du processus de paix entraînent une radicalisation des Palestiniens. La tuerie de Rishon-le-Zion, dont sont victimes sept ouvriers palestiniens (20 mai), l'immigration de plus de 100 000 Juifs soviétiques, le massacre par la police de 21 manifestants palestiniens à Jérusalem (8 octobre), l'assassinat à New York du rabbin extrémiste Meir Kahane (5 novembre) provoquent un engrenage de violence entre les deux communautés. La diplomatie s'enlise malgré la brève entrevue à l'Élysée entre Yasser Arafat et l'ancien président américain Jimmy Carter (4 avril). Les États-Unis, après avoir exercé des pressions sur Israël, rompent le timide dialogue avec la centrale palestinienne (20 juin).