À cela s'ajoute l'élément démographique. Si l'on en croit l'OCDE, les mouvements de population devraient se présenter ainsi (en milliers d'habitants) :

De surcroît, la crise du Golfe vient de mettre en lumière l'une des graves difficultés de l'économie allemande : sa dépendance à l'égard du pétrole... Le refus de développer le nucléaire, dû à l'influence des Verts, a pour conséquence que chaque choc pétrolier est très vivement ressenti par l'Allemagne, car la RFA est très dépendante des hydrocarbures ; et cette situation est aggravée par le caractère obsolète des centrales de la RDA.

Enfin, cette même crise souligne le retrait − pour ne pas parler de l'effacement − diplomatique de l'Allemagne. Les risques de conflit qui intéressent l'Europe comme les États-Unis, le Japon ou l'URSS, obligent les États qui veulent continuer à jouer un rôle sur la scène internationale à maintenir une politique militaire ; or, si la Bundeswehr est pour l'instant parfaitement apte à défendre le sol allemand et même le sol européen, il est visible qu'elle est incapable d'actions à l'extérieur. L'Allemagne demeure donc le nain politico-militaire de l'Occident. Il est significatif que, dans l'actuelle crise du Moyen-Orient, ce soit la France et le Royaume-Uni qui mènent le jeu en Europe, en particulier au sein de l'UEO. De toute manière, l'Allemagne unie renforce l'Europe occidentale en facilitant l'intégration future de l'Europe orientale (Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie) à la Communauté, rejetant ainsi sur le Boug la frontière européenne.

Une certaine satisfaction

Elle a aussi besoin de l'Europe et de la Communauté, mais pas à n'importe quel prix. Pour l'instant, malgré les charges que représente l'intégration des nouveaux Länder, l'Allemagne semble toujours très attachée à la Communauté, mais on peut se demander si ce sentiment durera. Certes, le chancelier Kohl et ses amis tiennent fort à la progression de l'unification européenne et, malgré les maladresses françaises de l'hiver 1989-1990, au maintien et au renforcement du couple franco-allemand, mais il n'est pas absolument certain que ce point de vue soit partagé par l'opinion allemande dans son ensemble et par certains milieux d'affaires.

La première et les seconds n'ignorent pas que la Communauté coûte cher à la RFA et que les avantages escomptés (augmentation du PIB de 4,5 % par an, création de nouveaux emplois − 2 millions selon le rapport Cecchini − et d'un espace économique de 322 millions de consommateurs) sont contrebalancés par les difficultés que pourraient rencontrer les PME et par les risques de modification de la protection sociale et surtout de transformation de l'Europe en forteresse économique. Or, la RFA défend avec intransigeance les principes du libéralisme en ce qui concerne le commerce extérieur. Elle est le seul pays de la CEE doté d'une industrie automobile puissante à avoir toujours refusé les mesures discriminatoires contre les importations japonaises, ce qui lui réussit, dit-elle, puisque l'industrie automobile allemande est la seule à s'être imposée sur le marché japonais (7 % des immatriculations).

Ce que la RFA redoute le plus, c'est que la crainte d'un europrotectionnisme n'amène les États-Unis à prendre des mesures de rétorsion dirigées globalement contre la CEE, mais dont elle (la RFA) subirait la première les conséquences (ses exportations à destination des États-Unis représentent plus de 10 % de ses exportations globales).

Pour les Allemands, la Communauté n'a de sens que si elle entraîne une ouverture encore plus grande vers les marchés extérieurs. Quelque européenne qu'elle soit, la RFA, pour sa part, n'est prête à s'engager plus avant dans des politiques communautaires qu'à la condition que les intérêts libre-échangistes de son économie et la stratégie mondialiste de ses entreprises ne soient pas compromis.

Enfin demeure le coût de l'unification. Si, dans les mois et les années qui viennent, la réalité que l'on a un peu cachée avant les élections a de fortes chances d'apparaître plus crûment, en cette fin de 1990 les Allemands ont pu contempler les événements avec une satisfaction dont témoigne le scrutin du 2 décembre.

De Brest à Brest-Litovsk

Ces premières élections libres organisées dans l'ensemble de l'Allemagne depuis 1932 ont conforté la coalition CDU-CSU-FDP, mais elles ont été également une victoire personnelle pour le chancelier Kohl, confirmée par le succès considérable remporté par la CDU à Berlin. La coalition CDU-FDP a gagné non seulement à l'Ouest, mais aussi à l'Est. De 1987 à 1990, la coalition gouvernementale est passée de 53,4 % à 54,4 %. À l'Est, de mars à décembre, elle est montée de 54 % à 54,8 % malgré les difficultés de l'intégration, tandis que l'extrême gauche (PDS et Verts) reculait de 24 % à 17 %. La CDU a largement conservé son avance, mais le FDP a renforcé son influence et cette évolution de la situation a fortement consolidé le poids de H.D. Genscher, l'actuel vice-chancelier et ministre des Affaires européennes.

Le second enseignement à tirer du vote du 2 décembre est le recul considérable des sociaux-démocrates du SDP, qui ont obtenu moins de suffrages qu'en 1961, lors du premier scrutin qui avait suivi l'adoption du programme de Bad-Godesberg. C'est un échec pour Oskar Lafontaine qui, pendant un an, n'avait cessé de freiner, sinon de refuser, le processus d'unification.