Le comité interministériel du début novembre a arrêté une série de mesures, regroupées sous 21 têtes de chapitre, qui vont de l'organisation du grand Bassin parisien aux schémas départementaux des services publics essentiels, par exemple la gendarmerie. Autant dire que la palette fait penser à du touche-à-tout. Mais l'abondance des décisions et leur qualité, l'insistance qu'a personnellement mise Michel Rocard à affirmer qu'il « était partisan d'une vigoureuse politique dans ce domaine » autorise enfin à parler de « renouveau et de restauration ».

Parmi les mesures les plus significatives, on retiendra :
– les grands schémas qui engagent pour l'avenir des choix essentiels (recherche, universités, TGV, autoroutes) seront arrêtés non par les seuls ministres responsables « sectoriels », mais en comité interministériel afin de prendre en compte, précisément, leur impact géographique ;
– un Conseil national de l'aménagement du territoire (CNAT) sera créé, présidé par le Premier ministre et composé de 40 membres (dont une dizaine d'élus locaux) et de deux ou trois experts étrangers ; il sera chargé de faire des propositions au gouvernement ;
– les bureaux de la DATAR à l'étranger, notamment en Europe, seront renforcés ;
– les administrations publiques devront présenter avant juillet 1991 des plans de localisations sur trois ans pour aboutir, en 1994, au transfert hors d'Île-de-France d'au moins 5 % des fonctionnaires actuellement en poste ;
– un livre blanc du grand Bassin parisien sera préparé pour définir les priorités tant géographiques que sectorielles et devra, évidemment, s'articuler avec les orientations à retenir pour le SDAU de l'Île-de-France proprement dit ;
– une sixième École des mines sera créée dans le Sud-Ouest, après la cinquième qui ouvrira ses portes en 1992 à Nantes ;
– des chartes de développement seront signées avec les élus de quelques grandes aires métropolitaines (Mar-seille-Aix, Strasbourg, Nancy-Metz) ;
– la technopôle de Sophia Antipolis sera étendue ;
– une autorisation sera demandée à Bruxelles pour créer une zone d'entreprises (impliquant des avantages fiscaux substantiels, comme à Dunkerque, La Ciotat ou La Seyne pour les nouvelles entreprises qui s'installent) dans le bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais, à Valenciennes et dans la vallée de la Sambre.

Pour que tout fût parfait, il eût fallu que Jacques Chérèque fût enfin nommé ministre à part entière, et non ministre délégué auprès du ministre de l'Industrie, ce qui paraît de plus en plus obsolète. Il eût fallu aussi qu'Air France (dont le président Bernard Attali est un ancien délégué à l'Aménagement du territoire) ne décidât pas fin novembre, avec une brutalité qui choqua beaucoup de responsables régionaux et Jacques Chérèque lui-même, de supprimer, pour des raisons financières, cinquante liaisons pour la plupart internationales, au départ de 11 grandes villes de province. Du « contre-aménagement du territoire »...

« Sésame »

La prospective, qui consiste à voir loin pour agir le plus efficacement possible jour après jour, a fait une réapparition remarquée le 15 novembre. Cette discipline constituait dans les années 1970-1980 un fleuron de la DATAR, et tous ceux qui s'y intéressaient de près connaissaient les chercheurs, les études et les scénarios du « SÉSAME ».

Sous l'autorité d'un de ses deux directeurs, Jean-Louis Guigou, la DATAR reprend l'offensive, après plusieurs années de latence et de champ libre laissé aux organismes privés ou parapublics. Avec 33 millions de F dégagés au budget de 1991, dix programmes de recherche ont été lancés et les appels d'offre correspondants passés auprès des équipes d'universitaires les plus réputées. Ces programmes touchent aussi bien les perspectives de développement du bassin méditerranéen, les grands schémas d'infrastructures de transports, les nouvelles techniques de communication. Parallèlement, sept animateurs seront désignés dans les Régions pour favoriser à l'échelon local la réflexion de tous les acteurs économiques et politiques dans le cadre de la préparation des futurs contrats de plan (1994-1998).