La loi no 90-55 du 15 janvier domine sans doute l'actualité législative de l'année. Complétée par la loi organique du 11 mai, elle actualise des dispositions du 11 mars 1988 et fixe de nouvelles règles au financement des campagnes électorales et des activités politiques. Elle améliore le financement public et aggrave les sanctions contre les contrevenants ; mais, surtout, elle amnistie toutes les infractions commises avant le 15 juin 1989 à l'exclusion de celles perpétrées par des parlementaires et ayant conduit à un enrichissement personnel.

Enfin, les parlementaires sont parvenus à s'entendre sur une réforme équilibrée des professions juridiques et judiciaires (loi no 90-1259 du 31 décembre). Sa jumelle (1258) autorise les professions libérales réglementées − notamment les auxiliaires de justice − à exercer leurs fonctions dans le cadre de sociétés selon des modalités spécifiques.

Hervé Robert

Vie sociale

Après neuf ans de socialisme, un constat s'impose : l'économie va bien, mais le social va mal. Une série de rapports a confirmé que la pauvreté s'étendait et que le chômage se maintenait à un niveau élevé. D'autre part, les revenus du capital ont progressé beaucoup plus vite que ceux du travail et l'éventail des patrimoines s'est élargi. Sous la pression de nombreux socialistes qui dénonçaient depuis 1989 le « déficit social » du gouvernement, les idées de gauche ont été réactivées.

Une nouvelle étape

Tout en renouvelant son souhait de voir s'effectuer une meilleure répartition des fruits de la croissance, le gouvernement a réaffirmé son attachement à la politique des grands équilibres, et la crise du Golfe l'a conduit à réajuster le budget pour tenir compte des intérêts vitaux des entreprises.

Mais le pouvoir estime ne pas négliger pour autant le social. Il a poursuivi sa politique en faveur des exclus (Revenu minimum d'insertion, logement social, etc.), de l'emploi (éducation, formation, troisième plan-emploi et loi sur la précarité, qui la légalise tout en la réglementant pour éviter les abus) et de la rénovation du secteur public (réforme de la grille dans la fonction publique, PTT, ANPE) ; puis, au printemps, il a annoncé une « nouvelle étape sociale ».

D'une part, le patronat a été engagé à ouvrir des négociations sur les bas salaires en contrepartie desquelles le SMIC − après une hausse automatique de 2 % en avril − n'a augmenté que de 2,5 % en juillet, et le Parlement a adopté le 31 octobre la loi sur l'intéressement et la participation. D'autre part, des mesures sont venues taxer davantage les plus-values, et un début de réforme fiscale a été mis en chantier. Dans ce cadre, la part départementale de la taxe d'habitation doit être calculée dorénavant sur les revenus et non plus sur la valeur locative du logement ; enfin la nouvelle Contribution sociale généralisée (CSG), destinée à financer le déficit de la Sécurité sociale par une retenue de 1,1 % sur l'ensemble des revenus (et non plus seulement sur les salaires), a prévu de se substituer à d'anciennes cotisations et de favoriser les bas salaires au détriment des autres.

Mais, simultanément, les relations se sont dégradées entre l'État et les partenaires sociaux. Principalement dans le secteur public, où le dialogue était en panne. Les grèves et les manifestations se sont multipliées et ont reflété en même temps la montée des revendications catégorielles (PTT, Équipement, Sécurité sociale, transports, etc.) axées sur les salaires ou le déroulement des carrières, le mécontentement suscité par la dégradation de la qualité du service public (éducation, santé, justice, police, etc.) ou par l'insuffisance des moyens alloués (fronde des paysans et des lycéens), et la persistance du contentieux salarial dans la fonction publique.

Par comparaison, le secteur privé, où le pouvoir d'achat a été globalement augmenté, est resté beaucoup plus calme. En dépit d'un malaise diffus et d'un sentiment d'injustice croissant, les conflits du travail sont toujours restés en deçà des niveaux d'acuité atteints par le passé. Les syndicats ont connu de plus en plus de difficultés à mobiliser leurs troupes et les journées nationales d'action (Sécurité sociale, PTT, fonction publique, CSG), le plus souvent orchestrées par la CGT, ont remporté peu de succès.

Ne pas céder à l'euphorie

Le mouvement syndical, qui a continué de perdre ses adhérents (de 20 % en 1981 à 11 % en 1989) et dont les candidats ont été devancés par les représentants des non-syndiqués lors des dernières élections aux comités d'entreprise, traverse une crise profonde. En effet, en dépit d'une proposition de recomposition avancée par Jean Kaspar de la CFDT et Yannick Simbron de la FEN, les organisations réformistes (CFDT, CFE-CGC et CFTC − cette dernière étant dirigée par Guy Drilleaud depuis le départ de Jean Bornand en novembre), qui défendent une conception contractuelle des rapports sociaux, se sont encore opposées aux syndicats contestataires, c'est-à-dire essentiellement à la CGT d'Henri Krasucki, même si Marc Blondel et FO semblent vouloir s'y rallier.