Journal de l'année Édition 1991 1991Éd. 1991

Des 13 marins au départ, le Gascon était sans doute celui qui s'était le mieux préparé. Depuis trois ans, toute son existence tournait autour de cette course qui constituait le sommet de l'aventure humaine. Il l'a vécue dans sa tête bien avant le coup de canon et l'épreuve sur l'eau n'a été que l'accomplissement technique et psychique d'un entraînement de galérien, qui l'avait conduit pendant l'été 1988 à l'Institut régional de médecine du sport de Bordeaux, où il avait appris à gérer son temps de sommeil et à se nourrir en fonction des conditions de navigation rencontrées. Une méthode qui a exclu dès l'origine l'utilisation de produits dopants. Dès lors, il était prêt à réaliser en mer ce qu'il avait construit en pensée.

Un excellent départ et, surtout, les premiers pièges météorologiques de l'Atlantique, négociés au mieux grâce au concours de son routeur Pierre Lasnier, lui ont permis d'aborder les mers du Sud avec une avance qui a atteint les 500 milles le 16 janvier. Là, le skipper d'Écureuil-d'Aquitaine a connu deux alertes, avec la casse du palier de barre qui soutient le gouvernail puis l'usure du système de drosses commandant les deux dérives. Après le stress de la navigation dans le terrifiant désert maritime du Sud (cap Horn), il a encore dû subir la pression psychologique imposée par le retour de Loïck Peyron lors de la remontée de l'Équateur, ce même Peyron qui avait reçu des organisateurs 14 h et 30 min de bonus pour le sauvetage du Fleury-Michon X de Philippe Poupon, en perdition à 2 000 km au large du cap de Bonne-Espérance. Mais, au-delà de la technique, des composites de la coque d'Écureuil-d'Aquitaine, de l'électronique, du routage, etc. c'est Titouan Lamazou lui-même, avec son intelligence et ses muscles, qui a dompté l'Océan, sachant composer avec les éléments les plus hostiles. Là réside la magie de ce Vendée Globe Challenge, dont le bilan, avec six abandons ou mises hors course, est moins lourd qu'on ne pouvait le craindre, et ce en dépit du rythme infernal auquel a été menée la course.

Vendée Globe Challenge
(Les Sables-d'Olonne, 26-11-1989 – id. 16-3-1990)

Classement général : 1. Titouan Lamazou (Écureuil-d'Aquitaine), en 109 j 8 h 48′ ; 2. Loïck Peyron (Lada-Poch), 110 j 1 h 18″ ; 3. Jean-Luc Van Den Heede (3615 – Met), 112 j 1 h 14′ ; 4. Philippe Jeantot (Crédit-Agricole), 113 j 23 h 43′ ; 5. Pierre Follenfant (TBS – Charente-Maritime), 114 j 11 h 12′ ; 6. Alain Gautier (Generali-Concorde) ; 7. Jean-François Coste (Cacharel).

Solitaire du Figaro

À 43 ans et après 266 heures de mer, Laurent Cordelle s'est adjugé la 20e édition de la course en solitaire du Figaro, épreuve qui manquait encore à sa brillante carrière de régatier. Cet architecte parisien devenu Rochelais par amour de la voile a devancé de 11 min le Suisse Dominique Wavre, fidèle second de Pierre Fehlmann lors des trois dernières courses autour du monde. Vainqueur de la quatrième étape, le robuste Normand Halvard Mabire, plus habile à mener sa barque sur l'eau que dans les antichambres des sponsors, a complété le tiercé gagnant.

Twostar

Disputée sur le parcours Plymouth-Newport, qui a engendré toutes les légendes de la voile moderne et réservée aux 60 pieds (18,28 m au maximum), la Twostar a été remportée après 10 j 23 h 15 min de mer par Jean Maurel associé à Michel Desjoyeaux (Elf-Aquitaine). Grâce à cette première victoire dans une transatlantique, obtenue avec 4 heures d'avance sur le Canadien Mike Birch (Fujicolor), le Baulois a gravi un nouvel échelon dans la hiérarchie des grands marins.

Records de l'Atlantique

En traversant l'Océan (New York au cap Lizard) à bord de son Jet-Service V en 6 j 3 h 3 min 32 s, Serge Madec et ses quatre hommes d'équipage ont placé très haut la barre du record de l'Atlantique. En dix ans, par l'allégement des coques, l'augmentation de l'efficacité des voiles et l'amélioration des techniques de routage, la moyenne est passée de 11,62 nœuds (Éric Tabarly en juillet 80 : 10 j 5 h 14 min 20 s) à 19,5 nœuds. Ce qui signifie que, pendant près d'une semaine, par la seule force du vent dans les voiles, ce grand catamaran (22,80 m) a été capable de glisser à 50 km/h au ras des vagues. Exclu des compétitions par le nouveau règlement qui limite la taille des voiliers à 18,28 m, le cygne blanc, vert et bleu a lancé à travers l'Atlantique son chant d'adieu. Un chant d'audace et de victoire.